Coaches agiles : leurs mauvais comportements

Si on ne pointe pas les mauvais comportements alors on prend le risque de ne pas les différencier des bons. Je vous partage les comportements les plus reprochés aux coaches agiles. Vous y reconnaîtrez-vous ?

Top 1 : Le coach agile est trop conceptuel

Je considère que c’est l’épidémie majeur qui sévit dans le petit monde du coaching agile et qui entraîne un manque de résultat des accompagnements. L’explosion de la demande en coaching agile – à laquelle le marché de l’emploi n’était pas prêt selon moi – a poussé des personnes insuffisamment compétentes à porter ce rôle. Le fait est qu’il est relativement facile d’apprendre la théorie agile – elle peut s’assimiler en quelques semaines seulement – ce qui peut faire croire en surface à une maîtrise du rôle. Il est néanmoins bien plus compliqué de rendre la théorie concrète, accessible et actionnable par les bénéficiaires de l’accompagnement. Cela vous prendra des années d’apprentissage par la pratique et la réflexion. Cela demande aussi d’avoir déjà réalisé soi-même les gestes agiles recommandés. Beaucoup de coaches agiles masquent leur incapacité à montrer et expliquer les gestes à valeur en prétextant respecter la posture basse de leur rôle. Ce qui pour moi entraîne un autre faux débat sur l’intérêt de cette posture et des compétences de coaching professionnel.

Pistes pour les coaches agiles : prendre conscience qu’énoncer des principes et concepts agiles n’est pas 5% du chemin du changement, finir ses phrases par “donc concrètement…”, associer à chaque élément théorique des gestes professionnels, différencier les nouveaux gestes que vous êtes en train d’acquérir des gestes que vous savez accompagner.

Pistes pour les bénéficiaires : poser la question au coach agile avec bienveillance “donc concrètement, que m’invites-tu as faire ?”.

Top 2 : Le coach agile ne s’applique pas à lui-même ce qu’il invite à être ou à faire

La confiance pour moi c’est “dire ce que je fais et faire ce que je dis”. Personne n’est dupe. Un coach agile qui n’est pas aligné sur les valeurs agiles ça se voit très rapidement. Faire effectivement preuve de bienveillance dans ses propos, d’adaptation dans son accompagnement, d’attention vers ses propres clients et bénéficiaires… cela se voit à condition d’avoir développé les yeux pour.

Piste pour les coaches agiles : s’imposer une discipline personnelle qui soit bien positionnée sur les valeurs et les principes agiles (ça veut dire qu’on ne vous demande pas là de faire vous-même du Scrum pour être faussement exemplaire !!), se remettre en question en s’analysant soi-même.

Piste pour les commanditaires des prestations de coaching agile : considérer fortement l’attitude et les softs skills dans le recrutement des coaches agiles, s’écouter pour repérer ceux qui ont le bon état d’esprit, définir une période d’essai.

Top 3 : Le coach agile n’explique pas (correctement) son rôle

Ce n’est pas aux autres de connaître le rôle d’un coach agile. C’est à ceux qui le portent d’en expliquer les tenants et aboutissants. Je rencontre encore trop de coaches agiles qui n’expliquent pas leur rôle ou qui ne savent pas l’expliquer par manque d’expérience sur ce seul exercice pédagogique.

Piste pour les coaches agiles : entraîner vous à expliquer votre rôle sous différentes formes et à différents acteurs, récupérer un référentiel existant sur le coaching agile et simplifier le d’expérience en expérience.

Top 4 : Le coach agile ne cadre pas son accompagnement

Je cite Véronique Messager dans son livre “Coacher une équipe agile” qui parle de cette difficulté dès 2017 :

Je supervise régulièrement des coachs agiles : plus de 80% des difficultés remontées sont liés à l’absence de contrat ! Qu’il s’agisse d’un coach agile externe ou interne […], un contrat formel, même léger, est indispensable.

Je fais pour ma part le même constat bien que j’utilise le terme “cadre” qui se veut plus large car je vois désormais des coaches agiles qui utilisent des contrats qui restent très limités au vu de ce qu’ils définissent.

Cadrer son accompagnement agile c’est définir et ancrer un certain nombre d’éléments :

  • Les responsables de la transformation sont les responsables du périmètre (au sens RH, budgétaire et opérations). Le Scrum Master, le RTE ou le manager d’une partie du dispositif agile ne sont pas nécessairement les bons (ou seuls) responsables. Et n’oubliez pas d’embarquer le Métier…
  • L’explicitation des attentes réciproques entre les responsables et le coach agile, une définition du rôle de chacun dans le changement et une boucle de retours réguliers pour réguler les écarts.
  • Un alignement des responsables de la transformation sur une feuille de route et des objectifs. Le coach agile amène nécessairement des propositions et options.
  • Un lieu récurrent pour piloter la transformation agile avec les responsables : un suivi de la réalité du changement qui se nourrit d’observations comme d’évaluation terrain, un système de pilotage orienté résultats, une coordination et priorisation des plans d’action.

Piste pour les coaches agiles : apprendre à poser un cadre d’accompagnement (pour moi un savoir que j’ai développé dans le conseil en proposant, vendant et pilotant mes propres prestations d’accompagnement).

Top 5 : Le coach agile agit en sauveur ou en responsable

Choisir la bonne posture pendant son accompagnement n’est pas chose aisée. Il y a des pièges qu’il faut éviter à tout prix, et des jeux d’acteurs qu’il ne faut pas nourrir. Ces erreurs de postures peuvent avoir pour conséquence l’échec de l’accompagnement. Je vous invite donc à y donc une attention en tâche de fond de votre accompagnement. La difficulté pour les coaches agiles tient au fait que leurs interlocuteurs les inviteront implicitement à prendre la mauvaise posture.

Définir des objectifs de performance pour l’équipe accompagnée, partager des exigences à son encontre ou encore lui faire passer des messages provenant du management de l’Entreprise sont des pièges tendus par un management distant. Le coach agile alimentera un système défaillant et se reverra à terme reproché par ses commanditaires de ne pas les avoir accompagnés sur leur posture de management.

S’engager sur tous les plans d’actions d’amélioration et de transformation, à la façon d’un consultant en posture haute, donnera l’impression que le château de cartes tient. Mais il s’effondrera lorsque la prestation du coach agile prendra fin. Pire, si le coach agile se positionne en sauveur de toutes les tensions du système accompagné, il empêchera la montée en autonomie des acteurs et pourra nourrir des dynamiques stables de type triangle de Karpman (sauveur, victime, bourreau).

Piste pour les coaches agiles : il vous faudra d’abord abandonner ces postures qui flattent souvent votre égo. Il vous faudra aussi faire preuve de courage comme de pédagogie pour expliquer pourquoi vous refusez certaines demandes que l’on vous fait. Assurez-vous que votre cadre d’accompagnement vous mette en sécurité pour le faire et appuyez-vous sur votre propre management.

Top 6 : Le coach agile n’explique pas la raison et le sens de ses actions

Ce comportement est régulier dans nos organisations, d’autant qu’il relève d’un trait de caractère. Il n’échappe pas à de nombreux coaches agiles. N’avez-vous jamais entendu ceci de vos collègues qui ont bénéficié d’accompagnement ? “On vient de terminer un jeu avec un coach agile mais ça ne nous a rien apporter”, ou encore “Je ne comprends pas pourquoi on doit écrire des US, on a déjà un cahier des charges”.

Piste pour les coaches agiles : lorsque que vous commencez une mission, pensez à redémarrer vos explications de zéro. Lorsque que vous lancer un atelier ou une démarche, commencez par en expliquer le sens.

Top 7 : Le coach agile veut plus expérimenter pour lui-même que régler les problèmes de ses clients

L’Agilité est un domaine d’innovation : de nombreux modèles apparaissent tous les mois. Les créatifs s’y sentiront épanouis.

Mais cela ne doit jamais faire passer le désir de nouveauté et d’expérimentation en premier plan. La question du but, de l’intérêt du client doit toujours est posé au préalable.

Trop de coaches agiles n’ont pas développé cette éthique professionnelle. Ils cherchent à innover pour eux-mêmes en trouvant ensuite l’argumentaire pour justifier tel atelier, jeu ou démarche. Combien d’accompagnants poussent aujourd’hui à tout va la démarche OKR pour se mettre à la page ?

Piste pour les coaches agiles : poser un cadre d’innovation dans son accompagnement partagé avec son Client.

Piste pour les commanditaires des prestations de coaching agile : refuser toute innovation qui ne commence pas par une analyse du besoin.

Top 8 : Le coach agile ne dit pas qu’il ne sait pas ou qu’il n’est pas compétent

C’est un héritage du marché du conseil et de l’accompagnement : on positionne des personnes sans vérification de compétences et on les laisse se débrouiller pour réaliser la mission tant bien que mal. Couplé à la difficulté à définir le succès d’un accompagnement, bonjour les dégâts. J’ai trouvé le postcast de Cynthia très pertinent sur ce mauvais comportement. Elle y parle du syndrome de l’imposteur et de la posture d’expert qui utilise un jargon car non maîtrise des concepts.

Et si on faisait différemment ? La promesse initiale au lancement de l’accompagnement est si importante. Lorsque je positionne un coach agile sur une mission – en tant que responsable d’une équipe de coaches agiles -, je l’invite et l’encourage à dire à son commanditaire ce sur quoi il se sent à l’aise et compétent pour éviter les fausses promesses. Il faut redire que les compétences liées à ce rôle sont si larges qu’utiliser seulement le terme de coach agile ne veut rien dire.

Et vous ?

Chacun fait de son mieux pour faire du bon boulot. Visez la perfection n’est peut-être pas la solution non plus. Je n’ai aucune leçon à donner; je suis moi-même passé par plusieurs de ces comportements. Vous avez certainement lu des comportements qui sont les vôtre actuellement. La prise de conscience est la première étape du changement. A vous de définir ce que vous souhaitez en faire. Pour ma part, j’espère vous avoir offert quelques points de vigilance.

Un outil pour découvrir ou renforcer sa pratique d’amélioration continue

Un mode beta depuis 2019, 5 boucles d’apprentissage, des expérimentations dans 4 entreprises avec un contexte métier ou informatique. J’ai le plaisir de vous partager une création originale, mon premier jeu pédagogique “l’Amélioration continue. Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

Dans quel contexte l’utiliser ?

  • En formation débutant pour découvrir l’un des piliers de l’Agilité ; l’équipe échange autour des cartes qu’elle découvre.
  • En atelier pédagogique pour aider l’équipe à améliorer sa pratique d’amélioration continue ; l’équipe peut alors s’évaluer sur les cartes.

Pour la création de ce jeu, je me suis inspiré du jeu “Agile Self Assessment Card Game by Ben Linders” (pas de chance pour vous, il est devenu payant entre temps). Pour l’appui théorique, je me suis basé sur les règles d’or de Kaizen, la résolution de problème du Lean, le Guide Scrum (qui a évolué au cours de mes itérations en intégrant les actions dans le backlog), différentes explorations et recommandations d’agilistes, et bien entendu ma propre expérience de coach agile en observant les anti-patterns et en identifier des bonnes pratiques terrains.

Ce jeu est également pour moi un formidable outil de coaching pour comprendre la dynamique de l’équipe qui utilise ce jeu de cartes. Offrez-leur un espace de liberté pour s’auto-gérer dans l’atelier et observez l’équipe… vous en apprendrez beaucoup sur elle si vous être prêt à voir et à entendre.

Au même titre que le jeu de Ben Linders, vous avez une infinité de format avec ce jeu de carte. Mon format préféré étant un atelier de 30 min où l’équipe n’aura pas le temps de tout lire – la vie c’est plus de connaissances que de temps pour l’acquérir ! – et où elle devra sélectionner 2 cartes qu’elle considère bien faire, et 2 cartes qu’elle souhaiterait renforcer. Je rappelle que la qualité du debrief du formateur-facilitateur fera la moitié de la valeur de l’exercice. Il vous faudra habilement répondre aux questions, ancrer l’apprentissage, inviter à la mise en mouvement.

Je suis curieux que vous me partagiez vos retours à la suite de cet article une fois que vous l’aurez expérimenté. Nous pourrions alors itérer ensemble sur une nouvelle version.

L’Agilité fonctionne pour moi uniquement sur un modèle d’open source ; je suis fier d’apporter ma pierre à l’édifice.

Rétrospective : arrêtez la ou rénover la de fond en comble.

Invitation : si vous êtes un coach agile, prenez un stylo et noter la réponse à la question “qu’accompagnez-vous à travers la rétrospective ?” avant de lire cet article.

Je suis sidéré de constater que dans tant d’organisations que les rétrospectives apportent si peu à leurs participants qu’ils en viennent à raison à les abandonner après plusieurs mois de pratique. Il est grand temps que les facilitateurs agiles comme les coaches agiles eux-mêmes réfléchissent à ce qu’ils doivent accompagner à travers cette pratique. Je suis effaré de voir l’absence de compréhension profonde de cette pratique par les coaches agiles eux-mêmes. Sans nul doute, ces derniers accompagnent très bien la forme, c’est à dire transmettre comment animer une rétrospective. Mais ils sont complètement aveugles sur le fond, ou à minima ne l’accompagne pas en conscience, ce qui est un vrai problème pour l’Agilité.

Chères équipes, vous avez raison d’arrêter ce qui ne vous semble pas utile. C’est à vos accompagnants de vous montrer le chemin, c’est d’eux que vient le problème s’ils ne comprennent pas ce qu’ils doivent accompagner.

Aller, ça va piquer, tenez-vous bien.

Quel comportement cherchons-nous à renforcer à travers la rétrospective ?

La rétrospective est une façon d’apprendre à l’équipe à résoudre ses problèmes. Pas à passer un bon moment ensemble. Pas à permettre à l’équipe d’avoir au moins un lieu d’échange pour parler vrai. Pas à réduire la dette émotionnelle. Pas à innover. Pas à partager ses plaintes et obtenir un peu d’écoute. Pas à revenir sur des soucis que l’on a eu au cours de la période précédente. Dès lors que l’on tort l’objectif premier des pratiques agiles, on dénature leur sens et l’équipe n’y comprend alors plus grand chose.

Non, je le redis, la rétrospective cherche à apprendre à l’équipe la résolution de problèmes. Tout le reste est secondaire voire inutile car il détournera votre attention.

C’est parce que l’équipe constatera qu’elle parvient à régler ses problèmes qu’elle deviendra convaincue de l’intérêt de cette nouvelle pratique qu’est la rétrospective.

Tant d’équipes arrêtent la rétrospective parce qu’elles ne sont pas convaincues de son bénéfice. Tant d’équipes continuent également pour éviter les blâmes de l’organisation et font alors de la rétrospective une coquille vide de sens.

Oh, je vous vois venir… Est-ce qu’après tout, tout peut être considéré comme un problème ? Absolument pas, et pour plusieurs raisons d’ailleurs.

Le problème du problème

Pour apprendre à une équipe la résolution du problème, il faudra d’abord être vigilant sur les mots eux-mêmes. Les confusions suivantes apparaîtront au cours de cet apprentissage :

  • Nous confondons souvent nos soucis et nos problèmes.
    Les sujets d’échange des rétrospectives portent alors très souvent sur les soucis de l’équipe, sans qu’elle n’arrive à identifier réellement ses problèmes.
  • Nous confondons systématiquement symptômes et problèmes.
    Les plans d’actions issues des rétrospectives sont fréquemment des pansements. La triste conséquence est que bien que l’équipe se mobilise sur ces plans d’actions, ils ne changeront pas grand-chose.
  • A tout qualifier de problème, nous ne nous focalisons par sur ceux qui devraient nous importer.
    Disons que l’équipe est parvenue à passer outre le piège du souci et le piège du symptôme. Elle a identifié au bout d’un moment une dizaine de “problèmes”. Tous sont-ils importants pour l’organisation, pour les clients, pour l’équipe ? Le fameux “arriver à l’heure en meeting”, si tant est que ce soit une cause racine d’un problème qu’elle a analysé, va-t-il changer pour du mieux ?

Pas de problèmes sans objectifs de performance

Il faut ici nous appuyer sur la définition Lean de ce qu’est un problème :

Un problème est un écart de performance.

Cette définition est essentielle car c’est grâce à elle que nous allons pouvoir définir notre problème précisément, évaluer l’efficacité des solutions que nous allons mettre en place, et affirmer que le problème a été résolu.

Oh pas de chance, l’équipe n’a pas d’objectif de performance… plusieurs options s’offrent à vous :

  1. L’équipe est indépendante sans accès à ses parties prenantes ; elle doit d’abord définir ses objectifs de performance pour se mettre en capacité de s’améliorer.
  2. L’équipe est auto-gérée ; elle doit aller chercher son manager pour lui faire expliciter ses exigences vis-à-vis d’elle (autrement dit, manager son manager s’il n’est pas au rendez-vous de vous communiquer ses exigences tout seul).
  3. L’équipe est autonome et pro-active ; elle doit récupérer et interpréter les exigences de ses parties prenantes, et chercher à s’aligner sur la stratégie de l’organisation pour définir ses objectifs de performance.

Pas de problèmes sans définition de la notion de performance

La performance c’est quoi ?

Le problème du mot performance est qu’il a longtemps servi à un management du “command and control” pour presser les femmes et les hommes de l’organisation. Il est nécessaire de se réapproprier la notion de performance comme un élément positif qui permet le développement des individus dans l’organisation.

La performance est un niveau de résultat que l’on désire. Mais que désire l’équipe, les clients, l’organisation ? La réponse est évidemment contextuelle. J’observe notamment les scénarii suivants :

  • La direction et les managers veulent de la Qualité mais n’en définissent pas de seuil à atteindre. L’équipe ne saura pas si elle est en dessous ou au-dessus du niveau attendu.
  • Les objectifs de performance sont imposés aux équipes sans en discuter avec elles et ceux-ci s’accompagnent trop souvent par un manque de moyen. La rupture de motivation voire de santé de l’équipe ne vient rarement d’une exigence trop élevée, mais de l’association entre une exigence élevée avec une absence de moyens et de support apportés à l’équipe.
  • Les Métiers veulent souvent que les équipes informatiques traitent leurs demandes plutôt que que de trouver des solutions à leurs besoins. L’équipe informatique qui n’aura pas bien réfléchi à ce paradoxe définira maladroitement l’objectif de performance ” faire ce qu’on leur dit de faire”. Vous pourrez vous améliorer à partir de cet objectif sans pour autant être convaincu du bénéfice de la rétrospective. Ce sera comme souvent la faute à l’Agilité, coupable facile, plutôt que la faute à un manque de réflexion.
  • Les seuils de performance définis sont souvent binaires : soit une attente de médiocrité vis-à-vis de l’équipe, soit une performance impossible à atteindre. Les deux sont sources de démotivation importante. La flemme managériale poussera également à définir un seuil élevé long terme, pour éviter un accompagnement plus incrémental du niveau d’exigence qui a la vertu d’offrir des petites victoires intermédiaires.

Avec mon équipe actuelle de coaches agiles dont je suis le manager, nous désirons notamment avoir une super dynamique pour devenir une équipe performante. Comme quoi, mesdames messieurs, l’aspect RH peut être intégré à la notion de performance.

Je vous rapporte les propos (reformulées) de ma mentor lorsque j’évoquais avec elle la notion d’exigence lors de ma mise en situation pour passer manager :

Porter une exigence forte vis-à-vis d’un collaborateur est un signe de respect car on le considère capable d’atteindre ce niveau de résultat. Les managers qui ne fixent pas d’exigence élevée se préoccupent assez peu du développement des collaborateurs qu’ils encadrent.

La grande rénovation… de la rétrospective

La rétrospective est un très mauvais nom je trouve. Elle décrit ce que l’on fait – exposer l’évolution passée – plutôt que ce que l’on cherche à faire – résoudre nos problèmes -.

Je choisi désormais de parler de résolution de problèmes aux équipes que j’accompagne plutôt que de la rétrospective elle-même et de ses nombreux formats.

Il est temps que le Lean, le vrai Lean, inspire un peu plus nos accompagnements agiles, ne pensez-vous pas ?

Le choc de la coopération

Quand je regarde l’état du Monde et le compare aux principaux défis internes des entreprises, je présage deux avenirs differents. Ce sera soit le retour au totalitarisme, soit l’arrivée d’une nouvelle forme de coopération plus radicale, plus entière. Deux avenirs dans lesquels chacun de nous pouvons nous inscrire. Deux avenirs dans lesquels chaque organisation peut tracer sa voie et faire entendre sa voix. Il faudra choisir.

L’état du Monde aujourd’hui, vous le connaissez plus ou moins précisément. Crise climatique, montée du totalitarisme en Europe Asie comme Amérique, rejet des institutions démocratiques par des citoyens en colère, crise de l’énergie, crise diplomatique et guerres… Tous ces phénomènes sont étroitement imbriqués les uns aux autres. Mon analyse porte sur la conclusion suivante : ces crises, par leur intensité, rapidité et durée, mettent sous tension la coopération humaine comme jamais auparavant dans l’histoire moderne.

Je vois l’ONU en grande difficulté pour traiter ces défis mondiaux. Et cela diffuse l’idée fausse que la coopération n’est finalement pas si efficace. Je regarde avec questionnement les COP s’enchaîner avec de belles intentions écologiques et si peu d’impacts. Gloire aux surenchères naïves qui discréditent souvent son fonctionnement! Cet organe de coopération écologique diffuse lui aussi l’idée fausse que la coopération est inefficace. Je regarde les G20 et G9 avec amertume dans leur incapacité à sortir de la compétition étatique pour traiter les tensions entre états. Un argument de plus aux envies de totalitarisme; la coopération aboutit à si peu de choses…

Les scientifiques nous le rappellent. Nous avons jusqu’à 2050 pour décider ensemble d’un changement de modèle face à la crise climatique. Le laps de temps pour réagir est extrêmement faible à l’échelle de l’Humanité. Quelles conséquences sur la coopération ? Soit nous avons 30 ans pour réapprendre à coopérer radicalement, nécessaire condition pour réinventer notre société. Soit nous allons nous tourner sur des moyens totalitaires pour tenter de survivre à ce défi.

Les tentations totalitaires refont surface dans toutes les formes d’organisation: de la Russie à Twitter. Après tout, à quoi bon coopérer des heures quand je peux décider seul pour tout le monde ? Cette pensée gangrène même nos modèles de collaboration. Gardons en mémoire que le confinement de millions de français fut décidé par 4 hommes dans un bureau. Nous avons une fâcheuse tendance à oublier que le moyen est aussi important que la finalité. Le danger est de voir de pires erreurs qu’au siècle précédent…

Sauf qu’à parler coopération, sens du compromis, ou consensus, plutôt qu’à s’y exercer, nous n’en sortons pas gagnants. Coopérer s’apprend. Ce n’est pas un savoir inné, ni un savoir enseigné à l’école. Coopérer se crée. Il y a en effet bien plus de mécanismes de coopération que ceux utilisés par l’ONU, par les comités de direction, par nos démocraties et par nos organisations. Et ces mécanismes dépendent de l’expérience et des croyances des individus. Coopérer ne prend pas nécessairement plus de temps. Ce n’est pas décider systématiquement tous ensemble. Malheureusement, c’est lorsque l’on effleure des concepts sans y réfléchir, tels que la coopération, qu’on les utilise mal. Aucune exception à cette règle.

À contre-pied de ces phénomènes qui poussent lentement vers le totalitarisme, une envie généralisée de coopération se fait ressentir dans nos organisations et dans notre société. Vous avez sûrement dû observer différents faits; je vais vous en citer quelques uns. La vague de démocratie directe souhaitée par les peuples bien que ces derniers soient déstabilisés voire craintifs par un manque d’expérience (e.g. le référendum d’initiative populaire que les gilets jaunes avaient remis à l’ordre du jour politique). L’idéal de liberté des enfants qui sont nés avec internet et qui bousculent nos organisations et leur management (ce que les marchés théorisent la génération X, en oubliant les rêves oubliés des générations précédentes). La libération des cadres et des employés qui cherchent d’avantage de coopération et de responsabilités que de soumissions et de totalitarisme (e.g. les nouvelles formes d’entreprise, de l’Entreprise libérée en passant par les coopératives). Le retour des collectifs autonomes dans nos entreprises comme élément d’efficacité (e.g. le phénomène Agile ayant remis ce sujet sur la table). Tant d’exemples et d’évidences qu’il me parait inutile d’étayer davantage. A tord ?

Ce sera soit le retour au totalitarisme, soit l’arrivée d’une nouvelle forme de coopération plus radicale, plus entière.

Face à ces crises qui mettent au défi nos modèles de coopération et menacent d’un retour au totalitarisme, et face aux envies d’une coopération plus grande avec nos collègues, nos partenaires et nous-même, vers quel avenir souhaitons-nous aller ? Apprendrons-nous suffisamment vite à coopérer plus intensément qu’auparavant pour relever les défis de notre siècle ? Réussirons-nous à défendre les valeurs de coopération face à l’ennemi totalitaire ?

Faisons un choix en conscience.

La réponse agile à la répartition des Pouvoirs au sein de nos Organisations

L’exercice des Pouvoirs est intimement lié à la Performance des Organisations. Pour autant, le Management ne se préoccupe que rarement du bon exercice du Pouvoir au sein de son Organisation. Les rares fois où il s’en préoccupe, il se retrouve vite désarmé par des dynamiques qu’il ne sait pas décrypter, et est souvent maladroit dans ses plans d’action. Le sociologue français François Dupuy, auteur notamment du best-seller “Lost in Management”, propose une piste de réflexion intéressante à ce sujet que je résume de la façon suivante : si le Management ne traite pas de cette dynamique, c’est simplement qu’il n’a jamais reçu la formation adéquate. En effet, la base de connaissance actuelle du Management est limitée à celle du Management individuel. Tout ce qui a trait au Collectif, à l’Organisation et à la Complexité est hors de son champ de compréhension. Le sujet du Pouvoir devient par la force des choses un sujet absent des projets de transformations des Entreprises. À l’image de la puissance énergétique maritime qui reste sous exploitée pour faire face aux défis écologiques, le Management n’a acquis ni savoir pour le comprendre ni les compétences pour l’exploiter.

Si vous êtes convaincu que ce sujet est primordial au sein des Organisations, alors laissez-moi vous donner un conseil sur la façon d’adresser ce sujet. Fréquemment, le Management qui ose adresser la notion de Pouvoir dans son organisation – car il faut un courage managérial certain pour simplement évoquer ce mot que l’on ne doit pas prononcer – le prend par le mauvais bout. Il va chercher à mettre en place de meilleurs processus ou outils enrichis notamment de données pour une meilleure prise de décision. Il va chercher à former le management à une prise de décision plus efficace. Il va tenter de trouver de nouveaux collaborateurs qui pourraient faire un meilleur exercice du Pouvoir que leur procurent leurs postes de travail. Toutes ces démarches sont futiles à mes yeux. Je pense préférable d’adresser ce sujet non pas à travers l’exercice du Pouvoir mais plutôt la raison du Pouvoir autrement dit ses sources. C’est pour moi d’avantage un sujet structurel et d’organisation que de fonctionnement. Adressez d’abord le Pourquoi avant de vous préoccupez du Comment. Je vous invite concrètement à remplacer les questions du type “comment prendre de meilleures décisions ?”, “qui nommer au rôle de chef de projet pour infléchir sur le cours du projet ?”, “quel manager pourrait améliorer nos chiffres cette année ?” par des questions du type “comment faire en sorte que les décisions soient prises au plus proche du terrain ?”, ou “comment mieux répartir le pouvoir parmi les parties prenantes d’une activité donnée pour permettre une meilleure performance ?”.

Je vous invite à lire la suite de cet article, à réfléchir sur cette notion de Pouvoir en Entreprise, puis d’agir sur ce qui est à votre portée. Je vous souhaite une agréable lecture !

Les sources de pouvoir

Un peu de partage de connaissances désormais. Intéressons-nous aux différents types de sources de pouvoir. Selon Michel Crozier et Erhard Friedberg (1977), les 4 sources de pouvoir sont les suivantes :

  1. La maîtrise d’une compétence particulière et de la spécialisation fonctionnelle. Avec des mots simples, j’ai une compétence ou des connaissances que les autres n’ont pas ce qui me donne un avantage dans des jeux de pouvoirs.
  2. La maîtrise des relations avec l’environnement. Avec des mots simples, les liens interpersonnels que j’ai développé au sein de mon environnement de travail me permettent d’obtenir des avantages sur son activité quotidienne. Par exemple, des décisions qui me sont favorables.
  3. La maîtrise de la communication et des flux d’information. Avec des mots simples, j’ai accès à des informations et je peux décider à qui je les diffuse, ce qui me procure un avantage. C’est souvent le cas des coordinateurs transverses et du management dans des organisations pyramidales.
  4. La maîtrise de la pratique des règles organisationnelles. Avec des mots simples, je connais comment fonctionne l’organisation et j’en connais les coutumes et règles. La zone d’incertitude dans laquelle se trouve d’autres collègues qui n’ont pas connaissance de règles implicites me donne un avantage sur eux. C’est souvent le cas du management intermédiaire qui garde pour lui des règles de fonctionnement implicites.

Vous trouverez bien d’autres façons de décrire les sources de pouvoirs. Il me manque deux sources qui m’apparaissent intéressantes de rajouter dans cet article :

  • Le contrôle des ressources stratégiques. Je gère une partie du budget de mon Organisation, un pool de compétence, ou encore du matériel, ce qui me donne du Pouvoir vis-à-vis de ceux qui en ont besoin.
  • La propriété de l’Entreprise. Je possède tout ou partie de l’Entreprise et j’ai le Pouvoir de décision “absolue” sur ce qui s’y passe (dans le cas où propriété vaut décision ce qui peut ne pas être le cas).

La réponse agile aux sources de pouvoir

jerometasse.fr

L’open source comme inspiration d’une meilleure répartition du pouvoir conférée par la connaissance

La philosophie du partage du savoir qui est pour moi incluse dans l’Agilité se décline en au moins 3 pratiques que je vais vous décrire.

La première pratique est celle de la capitalisation et du partage du savoir à l’intérieur d’une équipe agile. En effet, pour tendre vers la performance, les équipes agiles sont invitées à extraire de leur apprentissage quantité de savoirs, de bonnes pratiques et de modes opératoires. La connaissance et la compétence deviennent ainsi un attribut d’équipe. Un premier “silo de pouvoir” saute.

La seconde pratique est le modèle de communauté de pratiques. Elle permet un partage organisé des connaissances en transverse de plusieurs équipes. Elle met en œuvre la prise de conscience d’un intérêt supplémentaire, en plus de l’équipe, au niveau d’une partie de l’Entreprise. J’accompagne aussi des communautés de pratiques à se structurer en plateforme pour rendre accessible leur savoir à l’ensemble des collaborateurs de l’Entreprise et au-delà, au niveau de la plateforme de l’Entreprise.

La troisième “pratique” est celle du positionnement de l’Expert. Tantôt à l’intérieur de l’équipe, tantôt à l’extérieur en support, l’une de ses activités est la diffusion de connaissances qu’il a capitalisé et structuré au préalable. Plutôt que positionner l’Expert en tant que validateur des solutions construites par l’équipe, l’Agilité invite l’Expert à se positionner en accompagnateur de la montée en compétence et connaissance de ses collègues. L’Agilité l’invite également à plus d’humilité lorsqu’il co-construit des solutions avec une équipe agile. D’abord parce qu’il ne sait pas tout – la connaissance reste devant lui et non derrière -, ensuite parce qu’une équipe auto-gérée ne peut pas réfléchir qu’à travers un seul Expert.

Dans des cas de transformation agile d’Organisation, observez attentivement les équipes et individus que vous accompagnez dans leur chemin agile. Vous constaterez des blocages systémiques à la mise en place de ces pratiques. Certains blocages s’expliquent du fait du Pouvoir accordé à la première source de pouvoir évoquée (la maîtrise d’une compétence particulière et de la spécialisation fonctionnelle), mais aussi au modèle de rémunération accordée à ceux qui détiennent la connaissance. Des travaux spécifiques me semblent nécessaires dans la plupart des grandes organisations françaises pour mieux équilibrer cette source de pouvoir lié au savoir ; je souhaite avec la possibilité un jour de travailler sur ce sujet.

La transparence comme défense de la liberté à être informé

Je n’ai pas meilleur exemple de la nécessaire intermédiation de la chaîne de communication que le mail d’Elon Musk a envoyé à l’ensemble de ses employés.

Subject: Communication Within Tesla

There are two schools of thought about how information should flow within companies. By far the most common way is chain of command, which means that you always flow communication through your manager. The problem with this approach is that, while it serves to enhance the power of the manager, it fails to serve the company.

Instead of a problem getting solved quickly, where a person in one dept talks to a person in another dept and makes the right thing happen, people are forced to talk to their manager who talks to their manager who talks to the manager in the other dept who talks to someone on his team. Then the info has to flow back the other way again. This is incredibly dumb. Any manager who allows this to happen, let alone encourages it, will soon find themselves working at another company. No kidding.

Anyone at Tesla can and should email/talk to anyone else according to what they think is the fastest way to solve a problem for the benefit of the whole company. You can talk to your manager’s manager without his permission, you can talk directly to a VP in another dept, you can talk to me, you can talk to anyone without anyone else’s permission. Moreover, you should consider yourself obligated to do so until the right thing happens. The point here is not random chitchat, but rather ensuring that we execute ultra-fast and well. We obviously cannot compete with the big car companies in size, so we must do so with intelligence and agility.

One final point is that managers should work hard to ensure that they are not creating silos within the company that create an us vs. them mentality or impede communication in any way. This is unfortunately a natural tendency and needs to be actively fought. How can it possibly help Tesla for depts to erect barriers between themselves or see their success as relative within the company instead of collective? We are all in the same boat. Always view yourself as working for the good of the company and never your dept.

Thanks,
Elon

J’ai pu personnellement éprouver cette approche lors que j’ai travaillé à Tesla en 2015 en adressant le VP Business Middle East & Asia en lui évoquant un problème que je voyais sur l’absence de Tesla dans les Emirats Arabes Unies, pourtant très bon communicants pour promouvoir leurs voitures. Un échange tout à fait naturel s’en est suivi.

Tandis que le mail d’Elon traite uniquement du flux de communication, l’Agilité s’appuie sur le principe de Transparence qui va un cran plus loin selon moi. La Transparence ne porte pas uniquement la circulation de l’information mais aussi sur son accès. Concernant l’accès à l’information, une doctrine, très présente dans nos organisations, vise à défendre le fait que “l’information ne doit être partagé qu’avec ceux qui en ont besoin”. Mais qui décide concrètement si telle ou telle personne en a besoin ? Quasiment exclusivement celui même qui a la possibilité de transmettre ou non l’information. Une belle démonstration de l’exercice défaillant de ce Pouvoir.

Le principe de Transparence peut être appliqué sur tout type d’activité au sein des Organisations. Dans mon article L’Agilité sans Humanisme n’est qu’illusion, j’évoquais le fait que tout principe agile peut être détourné, notamment par des personnes ne partageant pas son système de valeur dont l’Humanisme. Le principe de Transparence peut lui aussi être détourné pour contrôler les employés. Donc avant de déployer ce principe à l’ensemble de l’Entreprise, assurez-vous que le Management ne considère que les gens soient des fainéants malhonnêtes ou bien ce principe de Transparence deviendra une nouvelle prison dorée pour les collaborateurs et aucun gain de performance n’est ressortira.

Toute Entreprise cherche à développer la confiance avec son écosystème : clients, collaborateurs, actionnaires, partenaires… La Transparence est propice à la construction de la confiance. Vous avez donc beaucoup plus à gagner qu’à perdre en en faisant la promotion. Méfiez-vous de ceux qui brandissent les risques liés à la concurrence, le vol d’information, les erreurs d’interprétation pour vous faire peur et vous dissuader de mettre en œuvre ce principe. C’est souvent les mêmes qui bénéficient du pouvoir lié à “la maîtrise de la communication et des flux d’information.”

L’explicitation des règles implicites pour éviter les sources d’incertitude organisationnelle

Nos organisations construisent quantité de règles, habitudes, normes, et systèmes de comportements. Elles le font de manière dynamique et continue : après l’arrivée d’un nouveau patron par exemple, après le départ d’un collaborateur, ou bien après l’arrivée d’un nouveau concurrent sur le marché. Les organisations qui ont de nombreuses années d’existences ont parfois des règles que seuls les plus anciens salariés connaissent. C’est un problème triple : l’augmentation de la complexité de l’organisation, l’augmentation du pouvoir de ceux qui ont “la maîtrise de la pratique des règles organisationnelles”, la baisse d’Agilité de l’Organisation.

Dans l’ensemble des pratiques agiles, il y en a une très simple qui agit sur ce problème. C’est le principe n°4 de Kanban :

Rendre explicite les règles de gestion des processus pour faciliter le travail

Je lui préfère une formulation plus généraliste : “rendre les règles explicites “. Lorsque chacun a connaissance des règles, la fluidité et l’efficacité des opérations sont accrus. Il est évidemment nécessaire d’adresser cette source de pouvoir dans nos organisations. C’est surement la plus simple que vous pouvez adresser sur votre périmètre d’influence au sein de votre organisation. Je discutais l’autre jour avec un manager irrité de la mauvaise application des règles par son équipe. Après notre échange, il a conclu que ces règles n’étaient simplement pas connues et qu’il ne pouvait pas légitimement en vouloir à son équipe de ne pas les appliquer. Il a alors entrepris de les formaliser de façon à pouvoir avoir ensuite en discuter son équipe, qui pourra alors les contredire et les accepter.

Cela me fait penser à la citation à lire et à relire :

Être doux avec les gens, dur avec le système.

L’auto-gestion, solution partielle à la bonne gestion des ressources stratégiques

L’auto-gestion des équipes agiles permet à l’Entreprise de mieux gérer la ressource stratégique qu’elle représente. Cela part du principe simple que la micro-gestion exercée par un chef n’est pas la plus efficace. Aujourd’hui, la seule ressource stratégique de possède la plupart des équipes agiles est elle-même en tant qu’ensemble de ressources “humaines”. Ces mêmes équipes agiles doivent toujours passer par le manager pour gérer divers budgets (matériels, licences, événements). Aussi, je pense que ce principe d’auto-gestion n’est appliquée qu’à une petite partie des ressources stratégiques : les parties les plus “négociables” avec ceux qui possède cette source de Pouvoir.

Il faut s’orienter vers d’autres courants organisationnels à la frontière de l’Agilité pour identifier d’autres solutions qui permettraient de poursuivre le chemin vers l’équilibre de cette source de Pouvoir : les mouvements auto-organisés, l’Holacratie ou encore les coopératives.

La démocratie comme meilleure exercice du Pouvoir ?

La démocratie me semble un très bon appui pour adresser la répartition et le juste exercice du Pouvoir au sein des Organisations. L’Agilité s’inspire de la Démocratie à beaucoup d’égards. Et tous les modèles démocratiques ne se valent pas non plus.

J’ai l’intime conviction que c’est une direction qui permet d’adresser les crises actuelles tout comme les enjeux des marchés. Pour traiter des problématiques d’une complexité grandissante, la concentration du Pouvoir n’est pas une solution viable. Pour innover, la concentration du Pouvoir n’est pas une solution viable. Pour s’adapter rapidement à des crises inconnues, la concentration du Pouvoir n’est pas une solution viable. Pour collaborer davantage avec des collaborateurs exigeants, la concentration du Pouvoir n’est pas une solution viable.

L’Entreprise démocratique n’a pas encore trouvé de forme. Je vous invite à lire ce très bon article synthétisant les recherches à date sur cette notion d’Entreprise démocratique.

C’est toujours avec passion que je prends le temps d’écrire mes articles. Prenez donc le temps de m’en faire un retour !

Guide de coaching agile à l’usage des honnêtes gens

Il y a 3 ans, je faisais mention des difficultés que peuvent rencontrer les coaches agiles dans mon article sur les postures et paradoxes du coach agile sur la base de mon retour d’expérience.

Lorsque j’ai découvert le coaching professionnel en 2019, j’ai eu tendance à vouloir en mettre à toutes les sauces. C’était un nouveau réflexe que j’étais en train de développer : est-ce que je peux traiter en priorité la problématique à laquelle je faisais face avec une posture de coach ? Je pense ne pas être le seul à avoir eu ce réflexe. J’ai beaucoup entendu depuis des critiques similaires vis-à-vis de coaches agiles : “Il en a marre des coaches agiles qui ne posent que des questions à nos questions”. Après 3 ans, je pense arriver vers une forme de stabilité quant à l’usage des différentes postures du coaching agile. Aussi, je vous invite à rester bienveillant et compréhensif sur ce cheminement qui amène les coaches agiles à certains excès de posture. Ce que je mentionne sur le coaching professionnel est valable pour n’importe quel sujet. D’autres coaches agiles feront preuve d’excès de conseil de par l’expérience qu’ils ont acquise ou encore d’excès de formations de par les connaissances qu’ils ont pu obtenir ci et là. Au-delà du coaching agile, je pense qu’il y a le même type d’excès sur tout un tas de sujets, professionnels ou non. J’ai eu pour ma part un cheminement similaire sur la communication non violente il y a 4 ans, et sur SAFe il y a 6 ans. Leur effet est d’intensité variable et dépend beaucoup de l’effet waouh de la nouvelle connaissance acquise.

Malgré toute la connaissance acquise par la grande communauté agile, je pense que de nombreux coaches agiles ont encore des difficultés à adapter leurs postures aux différentes situations qui se présentent à eux. Que ce soit parce qu’ils cheminent sur une des postures (formateur, consultant, coach et facilitateur) qu’ils mettent à toutes les sauces, ou parce qu’ils reviennent sur leur posture initiale de manière inconsciente. Il existe pourtant de nombreuses explications sur ce que doit faire et doit être un coach agile. Alors ce que j’en déduis, c’est qu’il n’en existe aucune qui soit suffisamment simple et actionnable pour aider les coaches agiles et leurs clients à mieux saisir la nature de leurs interactions.

Je vous partage donc mon “Guide de coaching agile à l’usage des honnêtes gens” que j’ai construite au fil de mon expérience et sur laquelle je m’appuie lors que j’ai des doutes sur la posture à prendre. Je la partage par ailleurs à mes clients pour partager ce savoir et leur permettre d’obtenir leur meilleur accompagnement possible tout comme de m’alerter si ma posture ne leur semble pas adapté à la situation.

Pensez à votre hygiène de travail en collectif

Nous prenons tous les jours soin à notre hygiène corporelle. De même, nous investissons de plus en plus de temps et d’argent sur notre hygiène mentale : des livres et formations de développement personnel, des consultations de psychologue et de psychothérapeute, des séances de coaching, du sport et de la médiation pour ne parler que des activités les plus courantes. Alors comment se fait-il que nous prêtions si peu d’attention à notre hygiène de travail en collectif ? Comment l’Agilité investie-t-elle le sujet ? Et enfin en quoi répond-elle à cette problématique de manière insuffisante ?

Je tente ici de vous apporter des réponses à ces questions qui me semblent d’une actualité forte. Vous trouverez également en fin d’articles quelques conseils de pratiques que vous pouvez mettre en place dans votre cadre de travail collectif.

Comment se fait-il que nous prêtions si peu d’attention à notre hygiène de travail en collectif ?

Tout d’abord, la plupart des organisations et des professionnelles n’ont pas conscience de ce qu’est réellement un collectif et une équipe. On forme depuis des années le management aux dynamiques individuelles plutôt qu’aux dynamiques collectives. J’en veux pour preuve votre catalogue de formation d’Entreprise. Comparez y le nombre de formations de management individuel et le nombre de formations de management collectif. Alors ? N’est-ce pas notable ?

Pour autant, le mot “équipe” est omniprésent dans le vocabulaire courant au sein de ces mêmes Entreprises. Je constate donc un décalage fort entre la prise de conscience que le collectif est un vecteur de Performance important et le niveau de compétence du Management à traiter des dynamiques collectives. Par voie de conséquences, une des pratiques essentielles du collectif – son hygiène – n’est ni abordé ni managé. La conséquence est souvent tragique : le collectif régresse et sous-performe.

Car oui, tout collectif génère des tensions répétées que seul des pratiques que je qualifie “d’hygiène” peuvent traiter. Comme la saleté qui revient, ces tensions apparaissent de manière continue. Seul un système récurrent d’hygiène collectif, vous permettra de ne pas accumuler de dette.

Je pense que le recours massif au télétravail a également amplifié ce phénomène. Des pratiques subtiles et physiques qui existaient dans le travail présentiel ont tout bonnement disparu. Apporter son soutien à un collègue plaintif à la machine à café par exemple. Mais détrompez-vous : il ne suffit pas seulement de se voir pour prendre soin de son hygiène collectif. Le retour au présentiel ne règlera pas ce problème.

Au-delà du manque de connaissance en management collectif, c’est aussi un mécanisme bien connu qui se joue dans les organisations qui ne s’intéressent pas à cette problématique. Il est toujours, et sans exceptions, difficile de prendre conscience de mécanismes qui ne sont pas visibles. D’ailleurs, même la pratique du management visuel peine à combler cette difficulté.

La dernière raison de ce manque d’attention vient pour moi de la structure de l’organisation elle-même. Le découpage en silos des organisations déresponsabilise le traitement des tensions des interactions entre silos. Chacun remet alors la faute sur l’autre et les tensions ne sont pas traitées dans un même collectif. La création d’équipes agiles en transverse de ces silos améliore grandement le traitement de ces tensions : des interfaces qui n’étaient pas claires, des désaccords qui s’étiolent par le but commun, ou tout simplement la formation du management aux dynamiques d’équipes comme je suis amené à le faire en tant que coach agile de managers.

Comment l’Agilité investie-t-elle le sujet ? En quoi répond-elle à cette problématique mais de manière insuffisante ?

Quelle étrangeté d’avoir utilisé le mot “sprint” pour décrire une itération agile. Nous sommes évidemment bien plus souvent sur un marathon qui dure plusieurs mois voire parfois plusieurs années. Un grand nombre de programmes et d’équipes agiles oublie un des principes du Manifeste Agile :

« Les processus Agiles encouragent un rythme de développement soutenable. Ensemble, les commanditaires, les développeurs et les utilisateurs devraient être capables de maintenir indéfiniment un rythme constant ».

Ce principe est à la 8ème position du Manifeste Agile ; pas facile de lui donner l’attention qu’il mérite ! Une charge soutenable est en effet un socle important des dispositifs agiles. Encore un concept simple à comprendre mais pour autant très compliqué à appliquer dans des contextes d’Entreprise où le travail rime trop souvent avec labeur (sa racine latine).

Est-ce qu’avoir un rythme soutenable est assez pour traiter la question de l’hygiène collectif ? De toute évidence, non. Et par la pratique du coaching et du management d’équipe, on observe d’autres dimensions. Il peut y avoir des tensions relationnelles indues par la collaboration courante (des “petites” frictions quotidiennes) ou par la collaboration forcée (les équipiers se choisissant rarement dans le monde du travail et qui peuvent présenter certaines incompatibilités de valeurs), des tensions organisationnelles sur le flux de travail (incompréhensions, conflits de méthodes, conflits de leadership ou de non leadership), ou encore des tensions dues à un travail qui peut être répétitif (et si on parlait de pissage de lignes de code ? ). Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille d’aller jeter un œil sur les “5 disfonctionnements d’une équipe”.

L’Agilité préconise également un autre principe qui adresse ces types de tensions mais de manière insuffisante à mon sens :

À intervalles réguliers, l’équipe réfléchit aux moyens de devenir plus efficace, puis règle et modifie son comportement en conséquence.

Ce principe me semble trop limité à l’amélioration continue du Lean Management. Je propose une reformulation qui me semble mieux adapté à la réalité des équipes que j’ai accompagné :

À intervalles réguliers, le collectif s’aère l’esprit, prend du recul sur les tensions générées par son travail au sein de lui-même comme au sein de l’organisation à laquelle il appartient. Il réfléchit à l’amélioration de sa qualité de travail et agile sur les leviers pour y parvenir.

Conseils de pratiques que vous pourriez mettre en place

Pratique d’hygiène collective n°1 : “Ne mangez pas plus qu’à votre faim”

Piloter de manière capacitaire l’ensemble des charges d’un projet ou d’un programme et non uniquement les plus courantes. Certaines charges, conséquentes, doivent être suivi et adapté à la capacité du collectif à les adresser. Il peut arriver que les goulots d’étranglement qui sont source de tensions au sein de votre collectif ne se situent pas là où le pensiez. C’est le cas pour l’amont et l’aval des équipes agiles par exemple, mais aussi les charges de pilotage ou de management.

Un pilotage capacitaire peut être séquencer (c’est le cas de Scrum) ou tirer (pour le cas de Kanban). Optez donc pour une solution adaptée à votre contexte.

Pratique d’hygiène collective n°2 : “Un petit massage pour faire baisser les tensions”

Mettre en place une rétrospective pour chacun de vos collectifs de quelques natures qu’elles soient : communauté de pratiques, équipe projet, équipe produit, équipe managériale, équipe commerciale, équipe de pilotage, équipe de coaches, etc… Attention, même dans les Entreprises où il existe des équipes agiles, de nombreux collectifs sont oubliés. De même, dans un cadre organisationnel à priori sain, des tensions émergeront toujours et sans exception. Ne faites donc pas la mauvaise économie de ces rituels de prise de recul et de partage.

Et ne soyez pas dogmatique non plus, une rétrospective s’adapte aux besoins de l’équipe. Celle-ci peut avoir besoin de vider son sac, besoin de se reconnecter, besoin de construire ensemble, besoin d’espérer etc… Vous laveriez-vous les cheveux quand ils sont propres ? Bon bah c’est pareil pour la rétrospective.

Pratique d’hygiène collective n°3 : “Le verre de trop”

Une transformation comme une amélioration suivent la même logique de pilotage capacitaire. Intégrer donc ces éléments dans vos charges !

Pratique d’hygiène collective n°4 : “L’air pure des forêts de sapins”

La mise en place d’une période plus douce après plusieurs itérations ou une même période de temps. La période IP (Innovation & Planning) du cadre SAFe et un moment privilégié pour faire un bilan, s’ouvrir à l’extérieur et innover (bien que ce ne doit pas être le seul). Attention aux écarts par rapport à cette brique agile pour les équipes qui travaillent dans ce cadre : la période IP qui n’est ni une période d’affinage, ni une réserve pour finir le travail non terminé.

Pratique d’hygiène collective n°5 : “Triez ses déchets”

Appliquer à soi et à l’équipe la pratique du Lean 5S : éliminer, ranger, nettoyer, standardiser et respecter son espace de travail. Ou appliquer sa formulation agile un peu moins opérationnel “La simplicité – c’est-à-dire l’art de minimiser la quantité de travail inutile – est essentielle”, principe n°11 du Manifeste Agile – tiens, encore un des derniers lus -.

Quand avez-vous fait le tri de votre environnement de travail collectif la dernière fois ?

Pratique d’hygiène collective n°6 : “Evitez une peau sèche à les savonner trop souvent”

L’intensification du travail amenée par un usage immodéré de l’amélioration continue amène au rejet de celle-ci. Toute bonne pratique peut amener à l’excès. Il faut savoir là aussi limiter son hygiène. L’amélioration continue est souhaitable mais il nous faut prendre conscience de ses limites. Voir l’excellente suite de reportages sur la mise à mort du travail qui vous permettra d’élargir vos perspectives sur cette pratique, sans ni la sacraliser ni la rejeter, simplement en acceptant ses contours et paradoxes.

Pratique d’hygiène collective n°7 : “Passez au savon écologique”

Les collectifs ne sont pas un troupeau de moutons, au plus grand malheur de managers qui chercheraient à les contrôler, au bonheur des leaders qui attendent d’eux plus que de sauter dans le ravin.

Respectez les collectifs et offrez-leur un espace de confrontation et de controverse. La direction n’est peut-être pas la bonne ; même un leader doit l’accepter et rester à l’écoute. Sans parler bien sûr du chemin qui sera toujours semé de péripéties.

Conclusion

J’espère que vous avez apprécié cet article. N’hésitez pas à me faire un retour et à prolonger le débat d’idées sur les pratiques que vous avez pu mettre en place !

Les 5 étapes de l’Alignement en Entreprise

Je vous propose un exercice pratique pour vous faire comprendre la notion d’Alignement en Entreprise. L’objectif de cet exercice d’entraînement, que vous pourrez ancrer dans vos pratiques managériales par la suite, est d’expliquer au collaborateur que vous managez en quoi ses tâches sont alignées avec le projet de votre Entreprise. Pour réaliser cet exercice, vous pourrez vous appuyer sur cet article ainsi que des entrants de votre Entreprise.

Pour aligner, il faut commencer par raconter une histoire

La meilleure façon d’aligner des collaborateurs d’une organisation agile est de leur raconter une histoire. Pour cela, il faut vous entraîner. D’où l’exercice que je vous propose qui vous poussera à rendre claire et simple cette histoire.

J’ai la conviction que l’alignement en Entreprise naît de la capacité du Management à structurer et à faire vivre cette histoire au travers de 5 étapes essentielles explicitées plus loin. Il vous faudra voir ces étapes comme imbriquées les unes aux autres, un peu comme les maillons d’une même chaîne. On ne peut se passer d’un seul maillon si l’on souhaite raconter une histoire cohérente, si l’on souhaite un alignement complet de l’Entreprise.

Avoir conscience des différents maillons cette chaîne au sein de son Entreprise, c’est ce que l’on pourrait appeler être “Enterprise Alignement Aware”, en extension du concept d’ “Entreprise Aware” que vous pourrez découvrir via ce lien. C’est un état de conscience du collaborateur qui lui permet de dépasser les limites de son périmètre, de voir au-delà du périmètre de son équipe ou de son département, afin de comprendre ce qui est dans l’intérêt de l’Entreprise. Cet état de conscience lui donne alors la possibilité de contribuer à la performance de l’Entreprise dans son ensemble. C’est cette raison qui fait de l’alignement un avantage compétitif précieux pour l’Entreprise.

Via une approche Lean sur cette chaîne, vous identifierez à la suite de l’exercice que je vous propose que les pertes sont nombreuses au sein des organisations, dont bien entendu la vôtre.

Préparer l’histoire

Au fait, vous ai-je dit de trouver un collaborateur de votre équipe pour cet exercice d’entraînement?

Pour raconter votre histoire, vous devrez la structurer avec les 5 prochaines étapes suivantes, et dans l’ordre :

  1. Le POUR QUOI de l’Entreprise
  2. Le COMMENT de l’Entreprise
  3. Le POURQUOI de l’équipe
  4. Le COMMENT de l’équipe
  5. Le QUOI de l’équipe et de ses membres

Nous identifierons dans chacune de ces prochaines étapes comment les préparer ainsi que les principaux enseignements que vous pourriez tirer de votre exercice.

Le POUR QUOI de l’Entreprise

Le POUR QUOI de l’Entreprise définit ce VERS QUOI elle souhaite aller, autrement dit son but. Sans but, une organisation ne mène nulle part et votre histoire manquera de sens. J’en parle plus en détail sur un autre article: “Pourquoi avoir une vision forte et partagée est aussi critique que challengeant pour une organisation agile ?“.

Ce premier maillon est clé car il doit permettre de la focalisation long terme (contrairement à la focalisation court terme que pourrait représenter un sprint par exemple).

Pour préparer cette étape, veuillez récupérer la Vision, Mission et Valeurs de votre organisation. N’expliquez pas tant son histoire ou la façon qui l’a amené à ce but; cela répond davantage à la question du POURQUOI.

Principaux enseignements basés sur mon expérience :

  • Avez-vous eu du mal à récupérer ces éléments ou bien vous ne les connaissez pas vous-même ? C’est le cas d’au moins 50% des entreprises dans lesquelles j’ai pu travailler. Assez souvent même, ces éléments sont mieux explicités sur les sites d’Entreprise accessibles aux externes qu’animés en interne.
  • Votre collègue ou managé est-il resté stoïque ? Ce n’est pas parce qu’une vision existe qu’elle est nécessaire motivante. De mon expérience, 90% des entreprises ont des visions que l’on pourrait qualifier de “pauvres”. J’en parle plus en détail dans l’article mentionné plus haut.

Le COMMENT de l’Entreprise

Le COMMENT de l’Entreprise décrit la façon dont elle va chercher à atteindre sa cible. Ce peut être une stratégie macro ouverte à tous telle que le “The Secret Tesla Motors Master Plan” d’Elon Musk. Mais il faudra dans tous les cas que cette stratégie soit concrète et actionnable par les équipes lors de la prochaine étape (ce n’est pas le cas du Secret Master Plan de Tesla). Ce passage de mise en œuvre d’une stratégie haute à une stratégie actionnable requiert nécessairement du savoir-faire. De plus, cela prend beaucoup, beaucoup plus de temps.

Savez-vous où trouver le COMMENT de votre Entreprise? Si votre Entreprise utilise la méthode OKR (Objectifs & Résultats Clés), c’est alors la partie OKR Stratégique que vous pourrez utiliser. Si elle utilise la méthode Balanced Scored Card, toutes sont les cartes définies sont intéressantes. Je trouve que même ces deux méthodes présentes des limites pour expliquer le COMMENT de l’Entreprise. Il manque à minima le modèle d’organisation de votre Entreprise qui apportera beaucoup d’information sur la façon dont elle s’est organisée pour atteindre son but. Il manque aussi la connaissance que l’Entreprise a acquise sur son chemin (qui est un point d’efficience pour des prochaines étapes).

Principaux enseignements basés sur mon expérience :

  • Avez-vous compris ce qui était important et moins important pour votre Entreprise sur son Comment? Il est possible que vous ayez récupéré beaucoup trop d’éléments. La simplicité et la priorisation d’une stratégie actionnable est difficile. Si elle est visualisée et accessible en un seul endroit, le management sera alors amené de lui-même à la simplifier. Si elle est dispersée en divers endroits, je vous souhaite bon courage pour passer aux prochaines étapes!
  • Avez-vous échoué à récupérer le moindre élément? Il y a de nombreuses causes possibles. Ce peut être un problème de transparence car souvent le management ne voit pas l’intérêt de partager son COMMENT (une croyance dont je parlais dans cet article). Il ne partage alors que QUOI à cette étape ce qui bloquera toute la chaîne (j’en parlerai en fin d’article). Ce peut être un problème de capacité, de temps ou de compétences (les stratégistes ne sont pas toujours à la tête des organisations).

Le POURQUOI de l’équipe

Le POURQUOI de l’équipe n’est pas définit par ce qu’elle doit faire! Si vous continuez de le penser et que vous êtes censé manager une équipe… diable! Formez-vous au management d’équipe! Non vraiment, c’est une erreur tellement commune que j’en ferai un article à part entière pour vous partager ce que j’ai appris sur cette notion d’équipe.

Comment récupérer le POURQUOI de l’équipe? Pour l’expliquer, posez-vous plusieurs questions:

  • Pourquoi eux ?
  • Pourquoi chacun ?
  • Pourquoi maintenant ?

Ou si par chance, la personne à qui vous contez cette histoire a réalisé des ateliers de Team Building, vous pourrez récupérer l’ambition qu’elle s’est fixée (qui peut être plus large ou plus spécifique que l’objectif stratégique précédent voir même contribuer sur plusieurs), les zones sur laquelle elle possède un contrôle ou de l’influence, ses forces et ses compétences, ses singularités et valeurs d’équipe.

Le principal enseignement basé sur mon expérience :

  • Vous n’avez rien trouvé ? Je le déplore, mais c’est systématiquement une étape oubliée dans l’ensemble des équipes que j’ai pu croisé dans ma carrière. Peut-être un peu moins le cas dans des équipes d’opérationnelles, et encore…

Le COMMENT de l’équipe

Le COMMENT de l’équipe décrit la façon dont l’équipe s’organise pour atteindre sa mission. Il se compose d’objectifs, de modes d’organisation, et de leviers. Autrement dit, c’est un schéma tactique d’équipe.

Si votre Entreprise utilise la méthode OKR, vous retrouverez une partie du COMMENT dans ce que l’on appelle OKR Tactique. Ceux-ci ne sont néanmoins pas suffisants. Pour identifier les impacts ou les leviers (selon l’angle de vue), l’outil “Impact Mapping” est également nécessaire à mes yeux. La manière dont l’équipe s’organise est souvent implicite bien qu’il mérite de la préciser à minima pour les nouvelles équipes.

Le principal enseignement basé sur mon expérience :

  • J’ai rien trouvé…
    Bien souvent, les équipes perdent patience lors de la construction de cette étape parce qu’elles n’en n’ont simplement pas l’habitude. Ou bien est-ce parfois la culture et le management de l’Entreprise qui les poussent à agir sans réfléchir ? C’est dans tous les cas dommageable car un plan tactique correctement définit est source de performance pour l’équipe.
  • C’est assez banal… je ne suis pas sûr que cela mérite le mot “tactique”.
    Si vous connaissez le modèle DISC, je vous encourage à vous assurer que toutes les couleurs soient représentées dans votre équipe (ainsi qu’un bon niveau de diversité). De plus, l’équipe doit avoir instauré une mécanique d’intelligence collective pour challenger et renforcer ses tactiques. Bref, de nombreuses méthodes existent pour renforcer votre plan tactique d’équipe.

Le QUOI de l’équipe

Le QUOI de l’équipe décrit les différentes contributions de l’équipe. Ses contributions peuvent être du RUN ou du BUILD. Pour les contributions de type BUILD, ce peut être des projets, des initiatives, plan d’action, action ou des tâches. Les mots varient en fonction du cadre de référence de l’équipe et de ses méthodes, mais les concepts restent.

Le principal enseignement basé sur mon expérience :

  • Ce n’est pas parce qu’on fait du QUOI depuis des années qu’on le fait bien
    Même si je serais tenté de dire que cette partie est la plus simple pour des équipes, vous seriez surpris de la complexité que peut représenter un suivi d’action pour certains professionnels non habitués. Je sais que la plupart de mes lecteurs viendront de grandes structures

Conclusion

Vous avez désormais une structure qui vous permet d’apprécier la notion d’Alignement au sein de votre Entreprise. J’envisage de vous parler dans un prochain article des problèmes à résoudre par les Entreprises sur cette chaîne ainsi que des principes de mise en œuvre pour y remédier. Si cela vous intéresse, faites moi en part. Si cela évoque d’autres réflexions, n’hésitez pas à les partager en commentaires.

En bonus, voici quelques principes pour rendre plus efficace cet Alignement, qui est une façon de travailler sur l’Agilité de votre Entreprise.

Selon moi, votre Entreprise sera plus agile :

  • Si vous êtes capables de lier les tâches de vos collaborateurs jusqu’à la Vision d’Entreprise. L’histoire que vous racontez doit être complète.
  • Si vous respectez certains prérequis sur la construction et sur l’animation de cette chaîne :
    • Chaque étape est construite de manière collaborative avec tout ou partie des concernés. Pour une Entreprise dite Plateforme, cela veut concrètement dire que la Vision est co-écrite avec ses collaborateurs, ses partenaires et ses clients. C’est ce qu’ambitionne l’un de mes clients dans les prochains mois.
    • Il existe des boucles de retours entre les différentes étapes qui amènent à adapter régulièrement cette chaîne. Autrement dit, il faut constater si la stratégie s’actionne comme nous l’avions imaginé, si les équipes en place et leurs plan d’actions permettent en effet d’atteindre la cible attendue, etc…
    • La fréquence d’adaptation est liée à l’évolution du contexte de l’Entreprise et ainsi qu’à son rythme d’apprentissage. Le bas de la chaîne, le QUOI, est adapté plus fréquemment que le haut, le POUR QUOI. Autrement dit, n’est pas agile une chaîne qui est uniformément stable.
    • Les différentes étapes permettent une autonomie “alignée” de l’équipe. Autrement dit, le QUOI est réservé à l’équipe. La seule exception légitime est qu’il y a nécessité de pousser des modèles d’harmonisation nécessaires à l’Entreprise; ce peut être le cas de grands projets de refonte du SI. A chaque non transfert du QUOI aux équipes, l’Entreprise se ferme à de nombreuses possibilités d’action et de tactique, éloignera la décision du terrain, et diminuera l’agilité de son exécution.
    • Chaque étape parle des clients de l’Entreprise.

Communiquer et développer ses compétences de coaching agile

L’Agilité pour moi est synonyme de partage.

Bonne lecture 🙂

A chaque coach agile, une valeur ajoutée distincte

Nous ne sommes pas les mêmes coaches agiles. Plus j’accumule d’expériences dans l’agilité, plus je me rends compte que chaque coach agile apporte une valeur ajoutée qui est distincte. Cela paraît une évidence pour qui porte d’abord un regard sur la personne avant son métier et rôle. Ça ne l’est pas sur le marché du travail, et nous ne pouvons que le déplorer. Regardez donc: la majorité des entreprises ne précise toujours pas le type de coach agile dont elle a besoin. J’en veux pour preuve les offres d’emploi sur Linkedin concernant les coaches agiles.

Ne pas prendre en compte cette réalité a créé une complexité notable dans l’adéquation de l’offre et de la demande de coaching agile. Des dires de mon réseau d’agiliste, les clients ne seraient que trop rarement enchantés par le coach agile qui les a rejoint. Idem pour le coach agile dont la motivation est comme tout à chacun essentielle à la réussite des objectifs de son client. Sortant ma boule de cristal, je me prête cependant à prévoir que nous aurons franchi un nouveau seuil de compréhension de cette réalité en fin d’année. De plus en plus de cadres français auront entendu les aventures de plusieurs collègues qui auront expérimenté l’agilité avec un coach agile.

Le coaching agile est protéiforme et contextuel

Quelles sont les dimensions à prendre en compte sur le coaching agile pour qu’il soit adapté à la situation d’un client?

  1. Les postures du coaches: consultant, coach professionnel, facilitateur et formateur (explication de ces postures dans un précédent article). Ces postures s’adaptent à la culture du client et son niveau de maturité. Leur bon usage évolue également au fil de l’accompagnement; la posture de consultant est notamment très utilisée en début de transformation. Elles doivent faire l’objet d’une explication lors du contrat initial.
  2. Les niveaux d’intervention:
    • L’équipe: la maille de la transformation agile.
    • Le service/entité d’une dizaine de personnes, incluant alors des changements managériaux spécifiques.
    • La coordination de plusieurs équipes agiles, le fameux “agilité à l’échelle d’un programme”.
    • Une organisation d’une centaine de personnes, “l’agilité à l’échelle” incluant là aussi des changements managériaux spécifiques.
    • L’entreprise dans son ensemble.
    • A noter: j’ai pour habitude de simplifier ce modèle pour mes clients en 3 niveaux: opérationnel, tactique et stratégique. C’est une réalité: tous les coaches n’ont pas la capacité d’adapter leur communication sur ces trois niveaux. En France, on n’adresse pas un membre d’une équipe de production comme on adresse un DG. Et cette capacité d’adressage n’est pas nécessairement une question de galons sur les épaules – même s’il en déplaira à certains -.
  3. Le niveau de maturité des équipes: à quelle stade se situe l’équipe/service/organisation à coacher? La réponse entrainera des activités bien différentes de la part du coach. J’utilise à titre professionnel 3 outils d’analyse:
    • Une grille de maturité d’équipe sur 5 niveaux tirée de l’enseignement du coaching d’équipe (merci l’IFOD pour votre formation <3)
    • Une grille de maturité d’équipe agile sur 4 niveaux tirée du livre “Devenir une équipe agile” de Claude Aubry
    • Une grille de maturité d’entreprise agile consolidée avec les experts agiles de mon entreprise
    • A noter: bien souvent, le client a une vue incomplète de son niveau de maturité lors de la contractualisation. Soyons agiles, adaptons nos prestations en échangeant régulièrement avec nos donneurs d’ordres.
  4. Les champs d’intervention:
    • Les différents secteurs d’activité. Oui, tous n’ont pas les mêmes besoins d’agilité et il est appréciable d’en avoir une vue globale.
    • Les différents métiers de l’entreprise (si vous pensez que l’agilité est réservée à l’IT, une mise à jour vous sera nécessaire!)
  5. Les domaines de connaissances:
    • La gestion de projet. Sans cette base, la gestion de produit et la gestion de la transformation risquent de s’avérer compliquées. D’où le fait qu’on attende un minimum d’expériences en entreprises.
    • La transformation et la gestion du changement. Gérer de tels bouleversements des manières d’être et de faire demande des savoirs faires particuliers. J’envisage de partager mes savoirs de transformation après 5 ans de conseil en transformation dans un prochain article. J’ai souvent constaté que c’était une corde essentielle manquante à certains coaches agiles venant du développement logiciel.
    • Le co-développement ou Co-Design. Être capable de construire à plusieurs, voir l’ensemble des collaborateurs d’une entreprise, est un savoir essentiel à qui veut réussir collectivement une transformation agile.
    • La sociologie des organisation et la psychologie. Traiter des rapports entre le métier et la DSI, optimiser le fonctionnement agile globale de l’entreprises, gérer les tensions relatives au changement,… autant d’activités qui ne seront que plus pertinentes en développant vos connaissances sur le sujet.
    • Le Lean management et la gestion du flux de travail, pour rendre plus efficace la façon dont vous satisferez le client de votre client en l’aidant à traiter ses (vrais) problèmes.
    • L’analyse systémique, pour débloquer les nœuds que la transformation amène – tout comme ceux déjà présents et soudainement mis en exergue -.
    • La communication et la médiation bienveillante, pour enrichir votre approche des Hommes et votre gestion de la transformation.
    • Le coaching individuel. Accompagner les acteurs d’une transformation qui a pour vocation de rendre responsable et autonome nécessite de nouvelles approches. Le coaching individuel est une pratique efficace. Je le propose systématiquement auprès des rôles pivots d’une transformation: Product Owner, Scrum Master, Manager,…
    • Le coaching d’équipe, pour aider les équipes à grandir.
    • L’ingénierie de formation et le jeu, pour ancrer d’avantage l’apprentissage de l’agilité (teaser: mon jeu sur l’amélioration continue a passé le beta test et sera bientôt disponible!)
    • Le management: Management 3.0, Leadership, Lean Budgeting, les nouvelles approches RH centrées expérience collaborateur,…
    • Les organisations et leur modèle de gouvernance (Scop, Holacracy, etc..)
    • La gestion produit (“Product Ownership”). Le terme de “coach produit” est d’ailleurs apparu récemment et est de plus en plus demandé. Un domaine très large où vous y retrouverez le Story Mapping, le Lean Start Up, le Design (de l’approche Value Proposition Design à l’UX en passant par tout un tat de Lean & Business Canvas).
    • La stratégie. Vous avez entendu parlé des OKRs?
    • Stop. Cette liste s’agrandie à chaque apprentissage.
    • A noter: mélanger ces savoirs apportera le surplus de valeur et d’innovation dont vos clients raffoleront. J’y vois à titre personnel un terrain de jeu pour satisfaire ma créativité.
  6. Les cadres agiles: vous trouverez dans le 14th State of Agile Report une liste exhaustive. Il faut noter que plus vous élargissez vos connaissances des cadres, plus vous trouverez des idées de solutions à des problèmes communs.
  7. Les techniques ou pratiques agiles: il y a tellement de techniques de collaboration que je ne saurais pas par quoi commencer. Plutôt qu’une liste exhaustive, voici celles qui ont le plus apporté de valeur à mes clients ces dernières années:
    • La distribution chaotique des sujets
    • L’estimation extrême (“Extrem Quotation”)
    • La décision par le consensus
    • L’auto-évaluation “Health Check Model” de Spotify
    • Les rôles délégués
    • Le découpage en arborescence
  8. Les techniques propres de développement logiciel: vous trouverez dans le 14th State of Agile Report une liste de départ.

Ami(e)s coaches, je vous encourage à préciser vos connaissances, compétences et postures en vous appuyant sur la liste précédente. Vous gagnerez en clarté pour expliquer à votre client votre valeur ajoutée (et éviter des promesses implicites intenables).

Comment se former?

Je vous propose plusieurs approches générales que vous pouvez utiliser pour vous former sur l’agilité.

Le premier est Shuhari:

  1. Shu: respecter les théories issues des années de pratiques. Le guide Scrum en est le fruit de 20 ans d’expérience. Commencez donc par le pratiquer encore et encore pour ritualiser vos conseils sur son bon usage. Vous en comprendrez à moyen terme les tenants et aboutissants.
  2. Ha: améliorer les cadres initiaux puis s’en détacher. Améliorez vos formats des rétrospectives que vous proposez à vos clients par exemple, puis détachez vous en pour n’en garder de l’essentiel.
  3. Ri: transcender le cadre et innover sur un nouveau cadre. Le mélange des domaines de connaissances évoqués et des secteurs notamment vous amènera vers de nouveaux lendemains.

Le deuxième est le modèle de compétence en T (“T-shape competency model”): abandonnez l’idée d’être expert sur tout. Elargissez donc votre base (cf. liste plus haut) et renforcez votre expertise sur un ou plusieurs axes.

La troisième est la vampirisation de l’expérience (merci François Boulon pour cette expression très explicite):

  • Observez d’autres coaches agiles, même si ce n’est pas votre mission actuelle.
  • Participez à des instances de co-développement ou de supervision, pour comprendre les schémas de réflexion par lesquels vous pourrez passer.
  • Récupérez un maximum d’histoires et de retours d’expériences (merci à la chaîne Scrum Life pour leurs nombreuses histoires).

En conclusion…

Se distinguer est parfaitement Humain. Nous, coaches agiles, serons amenés de plus en plus à préciser notre apport de valeur individuelle en ajoutant des adjectifs à côté de coach agile. Je pense que sera prochainement la foire aux “coaches agiles expert en développement logiciel”, “coaches agiles produit”, “coach agile et lean”, “coach agile systémique”,… et ça me semble être une bonne chose.

Retenons simplement que,

Nous ne sommes ni juges, ni dieux. Simplement le vent qui souffle et invite à une mise en mouvement.

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L’Agilité sans humanisme n’est qu’illusion

Je suis parti d’une question assez simple, “l’Agilité est-elle sincèrement souhaitée par tous?“, et ce que j’ai découvert après des mois d’observations, de pratiques et de réflexions m’a bluffé.

La quasi-totalité des agilistes que je connais ont entendu des verbatims qui vont dans un même sens:

“L’agilité ne marchera jamais avec cette personne, elle n’est pas du tout faite pour cette approche”

“Les développeurs il faut les fliquer, ce sont des incapables”

“Ce manager n’arrivera pas à faire confiance aux autres; nous n’irons jamais au-delà de la méthode qu’il impose”

Les mots utilisés et le niveau d’intensité de ces discours – difficile à retransmettre par écrit – m’amène à établir qu’il existe des conflits forts entre les cadres référentiels des interlocuteurs. Il n’est plus question d’un débat d’idée classique; ces situations décrivent des frictions au niveau des croyances des interlocuteurs.

J’en viens donc à formuler une thèse simple mais qui me semble fortement utile pour qui souhaite atteindre son objectif via des moyens agiles:

L’Agilité sans humanisme n’est qu’une illusion.

La suite de l’article développe et défend cette thèse.

Se représenter l’Agilité par niveaux de profondeurs

L’Agilité présente différents niveaux de profondeurs que je vous ai représenté sur le schéma ci-dessous (ceci est une tentative d’iceberg!):

Je suppose que vous avez déjà entendu parler des outils agiles (JIRA & Cie), des pratiques (les daily nous sauverons tous – ou pas -), des principes (“le logiciel opérationnel c’est bien”) et les valeurs (“Les interactions et les individus c’est plus important que les process”).

Je vous propose d’ajouter à votre compréhension un niveau de profondeur supplémentaire: les croyances sur lesquelles se base l’Agilité d’aujourd’hui (par opposition à l’Agilité très axé production informatique de 2001 avec son Manifeste internationalement connu).

Quelles différences faut-il faire entre les valeurs et les croyances? Les valeurs concernent le bien et le mal. L’agilité définit par exemple que travailler avec le client c’est bien, la négociation contractuelle ça l’est moins. Les croyances concernent ce que qu’est le vrai et le faux. Je vous donnerai une explication exhaustive des croyances agiles dans la prochaine partie.

Pourquoi les croyances des individus sont peu visibles? Les croyances sont surtout moins accessibles que les autres niveaux. Sur le terrain, les équipes ont déjà du mal à se réserver du temps pour échanger sur leurs valeurs dans un esprit d’amélioration continue. Alors viser une compréhension partagée des croyances des membres de l’équipe semble bien plus ardu. Notons toutefois qu’en théorie, elle sont visibles. Si vous êtes un excellent observateur, vous avez accès au niveau de croyance des individus de la part la pensée qu’ils développent et les actions qu’ils entreprennent. Mais cela demande de l’énergie, une écoute impeccable, un intérêt authentique pour l’autre et une posture basse. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille de vous renseigner sur les compétences d’un coach professionnel.

Quand considérer les croyances des individus au sein d’une équipe agile? L’équipe apprend au fur et à mesure de sa pratique,
que les outils imposés au départ par le référent agile sont en réalité négociable,
que les pratiques sélectionnés au démarrage peuvent être modifiées pour d’avantage d’efficacité,
que les principes peuvent être surpassés une fois que l’équipe a atteint un niveau de maturité adéquat (le “Ha” de Shuhari),
que les valeurs doivent être préservées coûte que coûte pour maintenir la cohérence d’ensemble.

Pour ce qui concerne les croyances, il est nécessaire de vérifier leur présence dès le départ. Découvrir en court de route qu’il y a des frictions entre les croyances d’un collectif ne semble évidemment pas la meilleure option. Discuter dès la création des équipes des croyances de chacun pourrait devenir une pratique seine des transformations agiles. Faire de l’agilité sans être aligné sur ses croyances d’équipes, c’est un peu comme un château de cartes: nous avons l’illusion qu’il tient en place mais au premier souffle il s’écroule.

Alors, de quelles croyances parlons-nous?

Chercher à définir ce qu’est l’humanisme, c’est commencer un long chemin intellectuel. Je vous demanderai un peu de courage et de concentration car cela en vaut la peine.

Vous apprendrez certainement comme moi que c’est un mot qui a beaucoup évolué au cours de l’histoire, qui a reçu beaucoup de critiques et qu’il est utilisé à notre époque comme un mot fourre-tout. Je vous conseille pour commencer de lire les deux articles de Wikipédia pour avoir une base de compréhension: l’humaniste et sa critique. Parmi l’ensemble des définitions données à ce mot au travers des deux articles, il me paraît intéressant d’en retenir deux:

  1. L’humanisme présente un “rôle actif des capacités intellectuelles humaines dans l’élaboration de la réalité de toute chose”. Autrement dit, l’Humain, par son intellect, peut agir sur ce qui le réel qui l’entoure.
  2. L’humaniste est “une théorie philosophique qui rattache les développements historiques de l’humanité à l’humanité elle-même”. Autrement dit, le monde d’hier et d’aujourd’hui, l’Humanité, a été construit par des Hommes comme vous et moi.

Au risque d’utiliser moi-même ce mot avec un sens tronqué, je vous en donne ma propre définition que j’utilise dans cette thèse:

L’humanisme, c’est croire en la capacité de l’Homme à penser, réfléchir et modeler le monde qui l’entoure.

Soyons clair. Il n’y a pas de collaboration sans considération des autres: considération envers les capacités de nos collègues, envers l’intelligence de nos clients et nos partenaires.

La pensée agile est quant à elle fondamentalement positive envers les Hommes et leurs capacités à innover et à réaliser à plusieurs.

Pour vous permettre de prendre conscience des liens forts qu’il existe entre l’Agilité et l’Humanisme, je vous propose un peu de littérature de penseurs qui croient en l’Homme:

  • “Reconnaître la dignité propre à chaque personne et le potentiel intellectuel, artistique, éthique et spirituel de tout être humain”, extrait de l’article 1 de La charte de la Terre, Mikhaïl gorbatchev
  • “Tout humain est créatif. La tâche du leader visionnaire consiste à créer un milieu de travail qui libère ce don naturel”, La sagesse du moine qui vendit sa Ferrari, Robin S. Sharma
  • “Être homme, c’est précisément être responsable […] C’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde.”, Terre des hommes, Antoine de Saint-Exupéry
  • “Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.”, La peste, Albert Camus

Des croyances contraires à l’Agilité

A l’inverse, je vous proposer une liste de croyances incompatibles à la mise en place de l’agilité:

  • Considérer que les gens sont des incapables; il faut par conséquent les contrôler, les encadrer.
  • Séparer ceux qui pensent de ceux qui exécutent. Cette croyance a été mis en avant au travers du taylorisme: les ingénieurs pensent les tâches, les opérateurs exécutent. Cette croyance reste encore très présente au XXIe siècle comme nous pouvons le voir au travers des répartitions des tâches: ceux qui conçoivent, ceux qui font, ceux qui testent et ceux qui maintiennent en condition.
  • Considérer que les gens sont fainéants. Nicolas Bouzon & Julia de Funès le formulent très efficacement dans leur livre La comédie inhumaine: “Le management traditionnel et paternaliste est fondé sur un précepte: les individus préfèrent ne pas travailler”.
  • Considérer l’autre comme inférieur à soi. Faut-il vraiment démontrer l’omniprésence du jugement dans notre société?

L’Agilité intensifie la collaboration et la transparence; cela a aussi pour conséquence d’intensifier les frictions entre les collaborateurs ayant des croyances différentes. Autant ces différences de croyances sont présentes dans des structures en silos et/ou pyramidales, autant les frictions qu’elles génèrent sont moins fréquentes et moins visibles. L’intensification des frictions entre croyances opposées sont un sujet RH largement sous-estimé. Son impact sur la réussite projet commun d’entreprise pourrait cependant être significatif. Malheureusement et comme beaucoup de sujets de sciences molles, en déterminer un coût pour l’entreprise me semble un exercice mort-né.

Comment utiliser cette thèse au sein de l’Entreprise?

Prendre conscience c’est avoir déjà fait un grand pas vers la résolution du problème. Il me paraît important de comprendre que les problématiques liées à la mise en place de l’Agilité ne sont pas situent pas nécessairement aux niveaux des outils, des pratiques, des principes ou des valeurs. Elles peuvent aussi se situer au niveau des croyances.

Est-ce le rôle de l’entreprise d’éduquer ses salariés? Si tant est que cela soit possible, de mon point de vue, ce n’est pas souhaitable. Enseigner oui, éduquer non. L’éducation est un domaine réservé à une relation parent-enfant et non une relation adulte-adulte (je fais ici référence à l’analyse transactionnelle). Il n’est donc pas souhaitable de faire porter un rôle d’éducateur à qui que ce soit au sein de l’entreprise.

Est-ce un problème pour la personne qui ne partage pas ce cadre de référence? A mon sens, non et il est nécessaire de dédramatiser la situation. Bien que l’on parle d’agilité à l’échelle des entreprises, il y aura toujours en son sein des environnements non-agiles. Il est donc nécessaire que l’agilité reste une proposition à chaque individu d’un même collectif. Il ne doit pas y avoir de mal de refuser cette proposition à titre individuel et avec un sens des responsabilités. Il existe et existera toujours d’autres cadres de travail qui permettront aux personnes, ne partageant pas cette croyance agile humaniste, de s’épanouir.

Sur quels processus la RH peut-elle agir? Il y en a plusieurs :

  • Le recrutement, en renforçant la prise en compte des croyances des candidats – j’en parlais d’ailleurs dans mon article sur le cas du recrutement d’un Scrum Master -.
  • La gestion de carrière, en prenant en compte les environnements agiles et non agiles.
  • Le design organisationnel et les transformations organisationnelles, en considérant les croyances dans la mise en place des collectifs.