Si on ne pointe pas les mauvais comportements alors on prend le risque de ne pas les différencier des bons. Je vous partage les comportements les plus reprochés aux coaches agiles. Vous y reconnaîtrez-vous ?
Top 1 : Le coach agile est trop conceptuel
Je considère que c’est l’épidémie majeur qui sévit dans le petit monde du coaching agile et qui entraîne un manque de résultat des accompagnements. L’explosion de la demande en coaching agile – à laquelle le marché de l’emploi n’était pas prêt selon moi – a poussé des personnes insuffisamment compétentes à porter ce rôle. Le fait est qu’il est relativement facile d’apprendre la théorie agile – elle peut s’assimiler en quelques semaines seulement – ce qui peut faire croire en surface à une maîtrise du rôle. Il est néanmoins bien plus compliqué de rendre la théorie concrète, accessible et actionnable par les bénéficiaires de l’accompagnement. Cela vous prendra des années d’apprentissage par la pratique et la réflexion. Cela demande aussi d’avoir déjà réalisé soi-même les gestes agiles recommandés. Beaucoup de coaches agiles masquent leur incapacité à montrer et expliquer les gestes à valeur en prétextant respecter la posture basse de leur rôle. Ce qui pour moi entraîne un autre faux débat sur l’intérêt de cette posture et des compétences de coaching professionnel.
Pistes pour les coaches agiles : prendre conscience qu’énoncer des principes et concepts agiles n’est pas 5% du chemin du changement, finir ses phrases par “donc concrètement…”, associer à chaque élément théorique des gestes professionnels, différencier les nouveaux gestes que vous êtes en train d’acquérir des gestes que vous savez accompagner.
Pistes pour les bénéficiaires : poser la question au coach agile avec bienveillance “donc concrètement, que m’invites-tu as faire ?”.
Top 2 : Le coach agile ne s’applique pas à lui-même ce qu’il invite à être ou à faire
La confiance pour moi c’est “dire ce que je fais et faire ce que je dis”. Personne n’est dupe. Un coach agile qui n’est pas aligné sur les valeurs agiles ça se voit très rapidement. Faire effectivement preuve de bienveillance dans ses propos, d’adaptation dans son accompagnement, d’attention vers ses propres clients et bénéficiaires… cela se voit à condition d’avoir développé les yeux pour.
Piste pour les coaches agiles : s’imposer une discipline personnelle qui soit bien positionnée sur les valeurs et les principes agiles (ça veut dire qu’on ne vous demande pas là de faire vous-même du Scrum pour être faussement exemplaire !!), se remettre en question en s’analysant soi-même.
Piste pour les commanditaires des prestations de coaching agile : considérer fortement l’attitude et les softs skills dans le recrutement des coaches agiles, s’écouter pour repérer ceux qui ont le bon état d’esprit, définir une période d’essai.
Top 3 : Le coach agile n’explique pas (correctement) son rôle
Ce n’est pas aux autres de connaître le rôle d’un coach agile. C’est à ceux qui le portent d’en expliquer les tenants et aboutissants. Je rencontre encore trop de coaches agiles qui n’expliquent pas leur rôle ou qui ne savent pas l’expliquer par manque d’expérience sur ce seul exercice pédagogique.
Piste pour les coaches agiles : entraîner vous à expliquer votre rôle sous différentes formes et à différents acteurs, récupérer un référentiel existant sur le coaching agile et simplifier le d’expérience en expérience.
Top 4 : Le coach agile ne cadre pas son accompagnement
Je cite Véronique Messager dans son livre “Coacher une équipe agile” qui parle de cette difficulté dès 2017 :
Je supervise régulièrement des coachs agiles : plus de 80% des difficultés remontées sont liés à l’absence de contrat ! Qu’il s’agisse d’un coach agile externe ou interne […], un contrat formel, même léger, est indispensable.
Je fais pour ma part le même constat bien que j’utilise le terme “cadre” qui se veut plus large car je vois désormais des coaches agiles qui utilisent des contrats qui restent très limités au vu de ce qu’ils définissent.
Cadrer son accompagnement agile c’est définir et ancrer un certain nombre d’éléments :
- Les responsables de la transformation sont les responsables du périmètre (au sens RH, budgétaire et opérations). Le Scrum Master, le RTE ou le manager d’une partie du dispositif agile ne sont pas nécessairement les bons (ou seuls) responsables. Et n’oubliez pas d’embarquer le Métier…
- L’explicitation des attentes réciproques entre les responsables et le coach agile, une définition du rôle de chacun dans le changement et une boucle de retours réguliers pour réguler les écarts.
- Un alignement des responsables de la transformation sur une feuille de route et des objectifs. Le coach agile amène nécessairement des propositions et options.
- Un lieu récurrent pour piloter la transformation agile avec les responsables : un suivi de la réalité du changement qui se nourrit d’observations comme d’évaluation terrain, un système de pilotage orienté résultats, une coordination et priorisation des plans d’action.
Piste pour les coaches agiles : apprendre à poser un cadre d’accompagnement (pour moi un savoir que j’ai développé dans le conseil en proposant, vendant et pilotant mes propres prestations d’accompagnement).
Top 5 : Le coach agile agit en sauveur ou en responsable
Choisir la bonne posture pendant son accompagnement n’est pas chose aisée. Il y a des pièges qu’il faut éviter à tout prix, et des jeux d’acteurs qu’il ne faut pas nourrir. Ces erreurs de postures peuvent avoir pour conséquence l’échec de l’accompagnement. Je vous invite donc à y donc une attention en tâche de fond de votre accompagnement. La difficulté pour les coaches agiles tient au fait que leurs interlocuteurs les inviteront implicitement à prendre la mauvaise posture.
Définir des objectifs de performance pour l’équipe accompagnée, partager des exigences à son encontre ou encore lui faire passer des messages provenant du management de l’Entreprise sont des pièges tendus par un management distant. Le coach agile alimentera un système défaillant et se reverra à terme reproché par ses commanditaires de ne pas les avoir accompagnés sur leur posture de management.
S’engager sur tous les plans d’actions d’amélioration et de transformation, à la façon d’un consultant en posture haute, donnera l’impression que le château de cartes tient. Mais il s’effondrera lorsque la prestation du coach agile prendra fin. Pire, si le coach agile se positionne en sauveur de toutes les tensions du système accompagné, il empêchera la montée en autonomie des acteurs et pourra nourrir des dynamiques stables de type triangle de Karpman (sauveur, victime, bourreau).
Piste pour les coaches agiles : il vous faudra d’abord abandonner ces postures qui flattent souvent votre égo. Il vous faudra aussi faire preuve de courage comme de pédagogie pour expliquer pourquoi vous refusez certaines demandes que l’on vous fait. Assurez-vous que votre cadre d’accompagnement vous mette en sécurité pour le faire et appuyez-vous sur votre propre management.
Top 6 : Le coach agile n’explique pas la raison et le sens de ses actions
Ce comportement est régulier dans nos organisations, d’autant qu’il relève d’un trait de caractère. Il n’échappe pas à de nombreux coaches agiles. N’avez-vous jamais entendu ceci de vos collègues qui ont bénéficié d’accompagnement ? “On vient de terminer un jeu avec un coach agile mais ça ne nous a rien apporter”, ou encore “Je ne comprends pas pourquoi on doit écrire des US, on a déjà un cahier des charges”.
Piste pour les coaches agiles : lorsque que vous commencez une mission, pensez à redémarrer vos explications de zéro. Lorsque que vous lancer un atelier ou une démarche, commencez par en expliquer le sens.
Top 7 : Le coach agile veut plus expérimenter pour lui-même que régler les problèmes de ses clients
L’Agilité est un domaine d’innovation : de nombreux modèles apparaissent tous les mois. Les créatifs s’y sentiront épanouis.
Mais cela ne doit jamais faire passer le désir de nouveauté et d’expérimentation en premier plan. La question du but, de l’intérêt du client doit toujours est posé au préalable.
Trop de coaches agiles n’ont pas développé cette éthique professionnelle. Ils cherchent à innover pour eux-mêmes en trouvant ensuite l’argumentaire pour justifier tel atelier, jeu ou démarche. Combien d’accompagnants poussent aujourd’hui à tout va la démarche OKR pour se mettre à la page ?
Piste pour les coaches agiles : poser un cadre d’innovation dans son accompagnement partagé avec son Client.
Piste pour les commanditaires des prestations de coaching agile : refuser toute innovation qui ne commence pas par une analyse du besoin.
Top 8 : Le coach agile ne dit pas qu’il ne sait pas ou qu’il n’est pas compétent
C’est un héritage du marché du conseil et de l’accompagnement : on positionne des personnes sans vérification de compétences et on les laisse se débrouiller pour réaliser la mission tant bien que mal. Couplé à la difficulté à définir le succès d’un accompagnement, bonjour les dégâts. J’ai trouvé le postcast de Cynthia très pertinent sur ce mauvais comportement. Elle y parle du syndrome de l’imposteur et de la posture d’expert qui utilise un jargon car non maîtrise des concepts.
Et si on faisait différemment ? La promesse initiale au lancement de l’accompagnement est si importante. Lorsque je positionne un coach agile sur une mission – en tant que responsable d’une équipe de coaches agiles -, je l’invite et l’encourage à dire à son commanditaire ce sur quoi il se sent à l’aise et compétent pour éviter les fausses promesses. Il faut redire que les compétences liées à ce rôle sont si larges qu’utiliser seulement le terme de coach agile ne veut rien dire.
Et vous ?
Chacun fait de son mieux pour faire du bon boulot. Visez la perfection n’est peut-être pas la solution non plus. Je n’ai aucune leçon à donner; je suis moi-même passé par plusieurs de ces comportements. Vous avez certainement lu des comportements qui sont les vôtre actuellement. La prise de conscience est la première étape du changement. A vous de définir ce que vous souhaitez en faire. Pour ma part, j’espère vous avoir offert quelques points de vigilance.