Avez-vous déjà entendu un coach agile – appelons le Jean-Pierre – vous dire qu’il ne produisait rien ? Que c’était normal car il était en posture basse ? Qu’il n’a pris de toute façon qu’un engagement de moyen et pas un engagement de résultat ?
Que lui répondriez-vous à Jean-Pierre ?
Ah Jean-Pierre… je crois bien que tu prends là un chemin qui ne te mènera nulle part.
Oui effectivement Jean-Pierre, le coaching agile est bien une activité support qui ne se substitue pas au travail des opérationnels. Mais est-ce une raison de te dédouaner de ne pas produire au-delà d’écouter et parler toute la journée ? Es-tu certain qu’une activité support ne produit vraiment rien ?
En effet Jean-Pierre, il arrive qu’un coach agile prenne une posture de retrait appelé « posture basse ». Cette posture te place alors à côté de l’équipe accompagnée plutôt que dans l’équipe. Mais cette posture n’est-elle pas une option parmi d’autres à prendre dans des cas bien définis ? Et de toute façon, es-tu bien certain qu’être en posture basse signifie n’être responsable de rien ?
Je vous propose d’expliquer ensemble à Jean-Pierre comment se remettre sur un meilleur chemin. Un chemin de sens par la production, qui le valorisera, et qui apportera plus de valeur à ses clients.
Points sur les i
Jean-Pierre, soit tes propos sont de la mauvaise foi, soit tu n’as pas compris plusieurs choses importantes sur ton rôle.
Un accompagnement produit des changements sur les comportements des personnes, sur le fonctionnement du système accompagné et au final sur les objectifs à atteindre. C’est une activité support qui a des productions bien identifiables.
Être de temps en temps en posture basse n’exclue pas de rester responsable du cadre de l’accompagnement. Si ce cadre n’est pas bien posé, tu en seras responsable aux yeux de tous. Ne manque donc pas de le définir, de le piloter et de l’ajuster. Et ne confond plus le cadre de l’accompagnement de celui du projet accompagné.
La posture basse n’est pas un absolu et encore moins une posture unique du coach agile. Elle ne s’utilise que dans certains cas. Je t’invite à lire le Guide du coach agile à l’usage des honnêtes gens qui t’aidera à te discipliner.
Tu as comme tout un chacun des responsabilités qu’il te faut identifier et connaître. La meilleure fiche de rôle de coach agile que vous trouverez sera un allié pour discuter de responsabilités avec ton client ou ton manager.
Sortir de la tourmente
Vous savez Jean-Pierre est aussi le fruit de son expérience. Il s’est peut-être abandonné à la tentation du laisser-aller. Il faut dire qu’avec un client peu exigeant et qui manque de connaissances sur le métier de coaching agile, tout coach agile sera tenté de se laisser aller. Ce n’est pas vraiment de la fainéantise, c’est être humain tout simplement. Après tout, combien de collègues à Jean-Pierre, tous métiers confondus, naviguent de réunions en réunions toute la journée sans rien y apporter de palpable ? Jean-Pierre a baissé le niveau de sa production, et ne voit plus l’intérêt de ses propres livrables.
Faut-il le blâmer de ne pas avoir croisé de clients, de managers ou d’accompagnés exigeants ? Je n’en vois pas l’intérêt. Essayons d’abord ensemble de le remotiver et de lui permettre de trouver plus de fierté dans son travail.
Jean-Pierre, tu as surtout perdu, fatalement, la possibilité de valoriser ton travail comme d’obtenir des retours essentiels pour continuer à développer tes compétences professionnelles. Eh oui, tu stagnes Jean-Pierre ! Peut-être même pire, tu es désormais incapable de justifier aux services achats ton activité réelle et tu risques à la fois de perdre ta mission et de ne pas te faire payer à la moindre turbulence. Aïe, quand ça touche à l’argent… Et puis tu ne voudrais pas Jean-Pierre être enfin capable d’expliquer ton métier à ta famille qui s’en amuse à le peindre en bullshit job tous les dimanches midi ?
Laisse-moi te compter mon expérience et pourquoi, à mes yeux, les livrables sont déterminants pour la réussite des accompagnements de type coaching agile.
Les livrables sont déterminants
Toute transformation des habitudes de travail présente un risque de retour en arrière vers les anciennes habitudes. On peut avoir pratiquer un nouveau cadre de travail agile sur un programme de 70 personnes pendant 9 mois et avoir spontanément des décisions sur l’arrêt de certaines pratiques de travail. Pourquoi ? Probablement parce qu’elle coûte plus aux yeux des acteurs qu’elle ne rapporte ; ce qui peut parfois être pertinent mais ce qui est souvent une erreur d’analyse et un manque de compréhension sur le sens et l’intérêt de ces habitudes. Par exemple, on commence à changer de temps en temps la durée d’un sprint ou d’un incrément. Par exemple, on ne regarde plus la valeur produite et on se soulage le cerveau en ne se concentrant plus que sur la productivité et les points d’effort. Ou encore on lâche les ateliers d’amélioration parce qu’on n’arrive pas à en tirer des éléments tangibles. Il y aura toujours des pratiques peu ou mal acquises dans les transformations d’entreprise. C’est pour aider mes clients à comprendre ce risque que nous avons eu l’occasion de produire un diagnostic 360°, non commandé par nos clients, de l’ensemble du programme après la première phase de notre transformation appelé « découverte et pratique ». Ce diagnostic fut un livrable clé qui nous a permis d’exercer notre devoir de conseil vis-à-vis de notre client, de l’aider à cibler les pratiques immatures, à l’aider aussi à valoriser le chemin parcouru. L’effet de ce livrable fut énorme et a été partagé jusqu’au COMEX de l’entreprise. Il a permis au client de continuer à financer sa transformation une année de plus ; combien de transformations agiles d’équipe ou de programme prennent fin au bout de quelques mois ? Il a aussi permis au client d’ajuster sa posture pour une posture de réalisme face à la transformation et de méfiance quant à l’ancrage des pratiques. Encore aujourd’hui, il fait appel à nous pour vérifier la potentielle dérive de son dispositif. Il nous a permis à nous équipe d’accompagnement de changer radicalement le cadre de notre accompagnement en quittant le nid douillet de notre présence au sein des équipes pour nous concentrer sur des problématiques transverses.
Tu vois Jean-Pierre, un bon livrable peut tout changer. Et parce que l’on avait perçu sa valeur, nous y avons consacré un temps très important. Tu n’es pas complètement convaincu ? Laisse-moi te partager une autre expérience.
Toute transformation est en concurrence avec le travail opérationnel. Les équipes doivent faire avancer les projets et développer les produits alors que la transformation elle est optionnelle, bien qu’elle soit évidemment utile. Il est difficile pour un client d’accorder du temps à la transformation en devant en parallèle faire avancer le projet. La réalité est que tout client aimerait que la transformation se face sans avoir à y consacrer plus de temps. Sur une précédente mission, après avoir convaincu mon client de dédier 45min par semaine au point de suivi de l’accompagnement, j’ai pris pour habitude de lui écrire un compte rendu hyper synthétique de notre point de suivi par mail. Attention, je ne parle pas ici d’une retranscription écrite de notre échange mais bien d’une synthèse actionnable. Il lui arrivait aussi pendant ces points opérationnels de m’envoyer des questions par mail sur l’Agilité, sur les pratiques, sur mes conseils face à des situations variées. Je passais un temps très important pour lui apporter une réponse à la fois complète mais synthétique ; vraiment cela me prenait parfois des heures. Il appréciait recevoir à la fois la réponse mais aussi le raisonnement. Ces mails bien structurés renvoyaient une image de qualité sur l’ensemble de l’accompagnement. Et ces mails permettaient à mon client de savoir quoi répondre aux équipes sur certains points clés de la transformation agile en cours, comme se rappeler des informations importantes, des décisions et des actions liés à la transformation. J’ai appris à la fin de la prestation qu’il les avait tous sauvegardés et qu’il y retournait de temps à autre.
Quelle différence ces mails font-ils par rapport à un échange à l’oral sans compte rendu ? Le droit à l’oubli évidemment. Il est déjà possible d’oublier des points importants sur l’opérationnel, alors croyez bien que sur la transformation cela arrivera régulièrement. De plus, la transformation est une matière autrement plus subtile, ce qui rend les messages d’accompagnement plus difficile à digérer. Le changement nécessite souvent de la répétition. Le client aura besoin de plus de réflexion, plus de distance, et plus de temps. Un mail est un excellent véhicule pour permettre au client d’y retourner.
Veux-tu toi aussi laisser une bonne impression à tes clients et tes bénéficiaires ? Alors identifie clairement les livrables qui sont attendus de toi, ceux qui te seront utiles pour accompagner le changement, et prend grand soin à leur réalisation pour en faire des leviers déterminants dans la réussite de ton accompagnement. Ton travail sera évalué autant sur les résultats obtenus que sur la qualité de tes livrables.
Petit tour des livrables du coach agile
Parce que le coaching agile est une activité de conseil, il produit les livrables classiques du conseil :
- Un diagnostic ou un audit te permettra de faire prendre du recul sur les changements acquis et recherchés. C’est un livrable essentiel pour la réussite de l’accompagnement.
- Des recommandations, quel que soit le support choisi, permettront à ton client de ne pas commettre certaines erreurs qui peuvent être anticipées. Met de côté ta posture basse ; un enfant n’a pas besoin de s’écraser au sol pour comprendre qu’une fenêtre est dangereuse. Par ailleurs, il est préférable de les limiter en nombre et choisir les combats les plus importants ; crier continuellement au loup te fera perdre en crédibilité.
- Un plan d’actions pour réduire les écarts entre la situation actuelle et les changements recherchés.
- Un bilan des étapes du plan d’accompagnement permettra de célébrer les victoires et d’adapter les prochaines étapes et plan d’actions.
- Un suivi de l’accompagnement (le grand oublié) permettra de dédier un espace d’échange avec ton client. Au-delà de l’intérêt pour l’avancement de l’accompagnement, n’oublie pas ton client, il te paye.
Parce que le coach agile pilote son propre projet d’accompagnement, il produit les livrables classiques gestion de projet :
- Un compte rendu des réunions qu’il anime (le point de suivi de l’accompagnement par exemple), et synthèse des conseils clés qu’il apporte oralement pendant d’autres réunions et ateliers. Le changement est répétition, un mail répétera au moins une fois de plus ce qui a été dit.
- Un support de réunion, d’atelier ou de séminaire dont l’objet (ou un des points à l’agenda) est l’accompagnement. Un support de qualité capte l’attention et permettra aux participants d’être plus attentif sur le fond (vu qu’il n’y a rien à dire sur la forme).
- Un RIDA de l’accompagnement (risque, information, décisions, actions), et un suivi des objectifs et indicateurs, permettra un alignement des acteurs et une meilleure coordination.
- Les supports d’information tels que la présentation de l’accompagnement, son avancement ou son cadre sont autant de livrables utiles. Je vous conseille de réexpliquer encore et encore votre rôle de coach agile dans ce type de livrable. Cela fait des années que vous l’exercer, mais vos bénéficiaires eux n’en ont entendu probablement que des bêtises.
Parce que le coaching agile est une activité d’accompagnement, on y trouve enfin tous les livrables d’accompagnement au changement :
- Les supports pédagogiques permettant d’informer, de susciter le désire, de générer de la compréhension, ou d’actionner concrètement les changements recherchés.
- Des communications destinées aux différentes populations impactées par le changement. J’ai expérimenté sur mon dernier dispositif, et sur des sujets bien ciblés, des supports humoristiques. Je pense que je réitèrerai cette expérience car les messages passent plus facilement avec humour.
- Des analyses sur la manière d’accompagner le changement en fonction des résultats obtenus des précédentes actions. Une autre façon de parler de stratégies de changement. Celles-ci vous permettront de prendre de la hauteur sur les plans d’actions de votre accompagnement.
L’importance des livrables se révèle par la pratique
C’est en terminant un 1:1 avec un coach agile de ma précédente équipe que j’ai pris conscience qu’il pouvait exister un écart entre l’importance des livrables et la conscience des coaches agiles à leur égard. Je me rappelle l’avoir félicité pour la qualité d’un livrable qu’il a réalisé sur sa mission et de son impact sur la suite de l’accompagnement. Le livrable en question était un diagnostic organisationnel d’un projet qu’il a présenté au sponsor du projet en ma présence. Petite parenthèse, il est malheureusement rare pour un coach agile d’atteindre les sponsors des dispositifs, mais j’en avais fait un prérequis au lancement des accompagnements de mon centre de coaching agile. Je lui donc avais suggéré ce livrable pour traiter un problème d’inertie sur son accompagnement.
Un diagnostic organisationnel vise à décrypter les dysfonctionnements d’une organisation (un projet, un service, une communauté) de manière systémique, c’est à dire sur les dynamiques en place au sein du projet (circuit décisionnel, circuit de communication, collaborations, attention aux objectifs). Premier livrable du type qu’il a réalisé, il m’a partagé être très fier de lui et d’avoir appris l’importance des livrables dans son rôle de coach agile. Je me rappelle qu’il avait d’abord été surpris lorsque je lui ai dit « c’est un livrable très important. Attention, tu vas devoir y consacrer plusieurs jours ». « Plusieurs jours ??? » m’avait-il répondu surpris. Lui qui avait l’habitude des actions très directes et au fil de l’eau, ça a bousculé ses habitudes.
Le sponsor a été très attentif à sa présentation. Cela a facilité notre alignement et notre compréhension partagée des problématiques. 3 mois plus tard, il avait fait le nécessaire en COMEX pour réorienter le projet accompagné en s’appuyant en partie sur nos éléments.
L’importance des livrables se révèle par la pratique Jean-Pierre !
Appel au progrès
Parlez des livrables d’accompagnement avec Jean-Pierre revient à parler avec lui de la compréhension de son rôle, de ses responsabilités et des subtilités de la posture basse qui ne doit pas être un objectif en soi.
On peut tous être Jean-Pierre à un moment de notre vie professionnelle. Que vous soyez coach agile, consultant en management, ou issue d’un autre métier de l’accompagnement, vos livrables sont des pivots essentiels pour apporter de la valeur à vos clients, pour valoriser votre travail, pour réussir votre accompagnement et être fier de vous-même.
Alors identifiez les précisément, construisez-les avec soin, remettez en question leur qualité pour vous améliorer, bref… consacrez y plus d’énergie, vous en serez sans nulle doute récompensé !
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Merci pour cet article de qualité. Au plaisir d’en parler de vive voix, je serais preneur de te montrer ce que je fais 🤗.
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Merci pour le feedback !
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